Lacrimosa, de Régis Jauffret

lacrimosa.jpgIl y a chez tous les écrivains publiés une sorte de fiche signalétique de leur univers. Une morphographie similaire dans chacun de leur ouvrage. Ceci doit correspondre à  un ADN unique venu du tréfonds de leur imagination. Il suffit bien souvent de quelques phrases pour sentir comme un chien peut aimer renifler les réverbères, un auteur. Ceci est vrai pour la plupart. Dans les 60 premières pages de Lacrimosa Régis Jauffret n’invente rien de bien neuf et pompe même des redites sur son univers de dingue qui avait trouvé son point cardinal via Microfictions et ses petites histoires où le pire était sa lumière. Parler d’un suicide pour lui est un jeu d’enfant, son jardin particulier où l’on voit pousser des roses sans fleur mais avec beaucoup d’épines.

Pour ce dernier ouvrage, le narrateur qu’il est s’amuse en floutant les faits et les gens qui l’entourent lors de ce drame dans un chapitre d’ouverture brouillon (et donc génial). Mais comme s’il lui fallait reculer la barrière de la décence pour enfin trouver la paix, la victime lui répond du fond de son caveau. La morte le charrie, son épistolière confidente s’en prend à  son écriture, donc à  lui, sa vie, son oeuvre. Jusqu’à  la page 61, c’est un jeu macabre d’autodestruction, de tendresse nombriliste qui répond à  l’application d’un tison rougeoyant sur sa peau d’écrivain. Et doucement, l’auteur se mortifie, évite d’imaginer le pire pour relater les faits. l’écriture se métamorphose, plus sèche et tendre, le caméléon caché sous une surabondance métaphorique se découvre et fait place nette à  la tristesse.

Si les morts sont là  pour nous faire aimer la vie, si les chocs et les pépins de l’existence sont là  pour nous faire apprécier le quotidien, Régis Jauffret s’appuie sur son malheur pour rebondir au-delà  de la suffisance littéraire où il aurait pu rester cloîtré jusqu’à  sa fin. Un livre bouleversant qui ne mérite aucun autre prix que celui de la reconnaissance éternelle.

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Pierre Derensy

Lacrimosa
de Régis Jauffret
Editeur : Gallimard
224 pages – 16,50€
Publication : août 2008