Lafayette a une âme de conquérant et dans son style, 70’s, a toutes les armes en main pour devenir un général en chef du rock. Classique mais tellement bon !
Autant le dire, j’y allais un peu à reculons :, un groupe se réclamant à la fois de Ike et Tina Turner, de Bell Rays, de Steppenwolf, du stoner…je sentais déjà la graisse couler à flot et les soli, les effets de voix, et autres tics musicaux polluer l’horizon dans un pénible jeu de ‘ »c’est moi qui a la plus grosse ». Pire, je sentais la caricature d’un style, d’une époque poindre le bout de son nez. Et finalement, Lafayette, tout comme son glorieux ancêtre venu conquérir l’Amérique, a réussi à faire tomber mes dernières défenses. D’ailleurs, il n’est pas dit que ce quatuor grenoblois ne fasse parler la poudre et ne mette en déroute une armée de groupes anglais.
Dans la pléthore de groupes français revivant leurs années 70 (Izia, Ladylike Dragons, Medi and the Medecine show), Lafayatte ne va pas manquer de se distinger. Le groupe a un potentiel énorme, un professionnalisme de vieux briscard…Et pourtant, il ne fait ni dans la caricature, ni dans l’épanchement d’un savoir-faire. A l’image de sa chanteuse ô combien charismatique, le groupe ne fait jamais dans la démonstration. Nathalie Loriot a des intonations soul à faire pâlir de jalousie toutes ses consoeurs, pourtant, elle n’essaye pas de singer Tina Turner ou Janis Joplin. De même pour ses camarades musiciens qui maîtrisent leur sujet mais ne se lancent pas dans une caricature technique en jouant sur d’interminables soli, sur des lignes de basse renversantes ou un mur du son incroyable (et qui cache souvent l’inanité d’une composition).
Chez Lafayette, tout se fait au service du morceau. Le talent est là , acquis certes mais humble. Les morceaux ne s’en portent que mieux. Le groupe décoche les tubes en puissance comme d’autres réussissent à dégommer des assiettes au ball trap. Avec facilité et justesse. Une vraie galerie : Smoke through my door et sa basse chaloupée, Of Them in a gang entre rythmique saccadée et guitare fluide, Beat Searchers (en duo avec l’ami Jose and the Wastemen) entre le Détroit de la Tamla Motown et le Détroit des MC’5…On pourrait tous les égrener un à un pour s’apercevoir, que s’ils rappellent tous d’autres titres passées (on appelle ça du »classic rock »), il y a toujours le petit truc en plus qui fait mouche et qui fait tendre l’oreille plus que de raison (Suzie White Pills en meilleur exemple). Le groupe associe toujours force et finesse (Roadworn rue dans les brancards pour mieux vous caresser la nuque) et choisit parfois une félinité de composition et de jeu (Plexiglass…tout sauf toc ; Taste like Ginger, encore mieux)
Dernier point et non, le moins remarquable, alors qu’on les sent aimer le rock des années 70, Lafayette ne sombre pas dans la caricature d’une époque, de ses arrangements, de sa production : le groupe n’enfile pas de force un patte d’eph à sa musique. A l’instar de Skunk Anansie, Suzie White Pills est bien un album d’aujourd’hui et son universalisme mélodique dépasse bien les seules années 70. Un vrai bon album de rock, tout simplement.
Denis Zorgniotti
Date de sortie : 8 Octobre 2012
Label / Distributeur : Bad Stone / Sony Music
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