Porté par son indéniable qualité d’auteur, un prix de l’académie Charles-Cros puis un prix Constantin quelques années plus tard, Monnet a bénéficié entre 2001 et 2007 d’un bouche à oreilles positif. Iĺ,´a pu jouir aussi, excusez du peu, du blanc seing bienveillant de Vanessa Paradis qui choisit plusieurs de ses titres pour Bliss et Divinidylle. Et puis? Et bien après un quatrième album paru en 2006, le bonhomme disparaît des écrans radar. Pfouit. Perdu pour l’histoire de la musique. Évaporé. Perdu aussi pour ma mémoire sélective. Parti aux antipodes le Franck Monnet. Comme les voies de l’amour sont souvent impénétrables, Franck Monnet convole depuis, en Nouvelle Zélande et s’installe avec sa compagne dans un patelin pile à côté de Waimarama quelque part sur la côte du pays du Seigneur des Anneaux. Enfin en tous cas, c’est comme ça que je l’imagine. Oublié le Franck Monnet jusqu’à son retour discographique, toujours chez Tôt ou tard au printemps 2014.
Pourquoi je me pique d’écrire ici les chroniques amoureuses du citoyen Monnet? Parce que , Waimarama, l’album de »retour » aux affaires de Franck Monnet est une plongée feutrée, en catimini, dans le cocon d’une petite famille française tout en bas de l’hémisphère Sud, au milieu d’un paysage qu’on imagine tout dédié à la nature. Il flotte sur l’album de Franck Monnet tout à la fois une impression d’évidence familiale, de travail de mémoire et une lumière d’imprégnation rurale. Et même si on devait se perdre là dans un cliché d’auditeur en France, on sait que le bonhomme a savamment ourdi ce stratagème. Au delà de mélodies pop torchées comme des ritournelles anglo-saxonnes dont on remplissait les top 50 au temps de Lennon et Dylan, Franck Monnet arrive à faire de son disque pop une sorte de carte postale d’une vie simple et sans fioriture. Les mots simples, la musique simple, font le sel d’un disque auquel on ne cesse de revenir. Chaque morceau (oui même en duo avec Camélia Jordana) est aéré par des richesses musicales subtiles. La guitare acoustique, folk, s’y taille la part du lion avec une certaine virtuosité, mais les choeurs, les petits zigouigouis synthétiques, le travail sur la réverbération, les secondes guitares atmosphériques, les quelques discrètes cordes ou le piano embellissent le tableau, fournissent de la chair sentimentale sur le matériau de base: la chanson solide.
Une vie de Franck Monnet, où les anoraks s’enfilent collés serrés, où les chansons racontent la vie qu’on mène et celle qu’on a mené, décrivent un quotidien où on a le temps de se poser au coin de l’âtre, devant la plaine où point la rosée, tout occupé à réfléchir au temps qui passe. Une vie d’expatrié, où Paris -désormais lointain – devient comme un songe nostalgique dont on oublie la fureur et les soucis pour ne garder qu’un chaleureux souvenir.
Moins pamphlétaire que le lord Murat d’Auvergne, moins »intello » que Samir Barris en Belgique moins programmatique que le dernier essai à tendance folk d’Emily Loizeau. Waimarama est un album de coin du feu qui crépite, de pieds mouillés à fouler l’herbe du matin ou a se réjouir des mille petits détails qu’offre la nature au point du jour dans les grands espaces., Un disque où la langue de Molière ne se pique pas de donner des leçons de vocabulaire ampoulé, où on élude volontiers des Je en j’ pour rendre une rime plus évidente., Un disque où les arrangements sont subtils, délicats, portent les mélodies pop , Beatles-iennes avec l’air malin de ne pas y toucher. En petits traits impressionnistes ils enrichissent l’expérience d’écoute de l’auditeur qui se laisse aller à la rêverie bucolique mais jamais tarte, tout en gardant une solide ossature pop.
Merci Monsieur Monnet. Pour cette petite leçon d’évidence pop. Merci pour cette bouffée d’air d’ailleurs.
Label: Tôt ou tard
Date de sortie: février 2014
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