Benzine vous a sélectionné 10 groupes/artistes Made In France ayant fait le choix de s’exprimer en français. Voici donc 10 coups de cœur parmi toutes les choses parues au cours des 6 derniers dans nos régions. Découvrez ou redécouvrez et appréciez comme nous avons apprécié ces 10 noms.
Dodi El Sherbini
En trois titres seulement dont une reprise d’un trésor méconnu de Patrick Juvet co-écrit avec Jean-Michel Jarre, Dodi El Sherbini en impose avec son électro désabusée et légèrement arty. Claviers puissants et omniprésents, paroles faussement naïve et parfois drôles, clips lorgnant vers la nouvelle vague, tout est réuni pour que cet ancien styliste soit la nouvelle sensation pop qu’on n’attendait plus.
(Dodi El Sherbini – Olympia Ep, autoproduit – 2015)
Grand Blanc
Difficile de ne pas être happé par le rock habité et hargneux que nous inflige Grand Blanc. Venus du Grand Est, ces enfants illégitimes de Joy Division et Bashung nous distillent des titres sombres où la colère et la noirceur ne font plus qu’un. Des textes ciselés d’où émane une poésie revancharde et intemporelle, les hauts fourneaux ne sont pas encore morts.
(Grand Blanc – Grand Blanc, Label entreprise, sortie prévue en 2015)
Jarvis Platini
Attention Ovni ! Jarvis Platini, ancien gardien de but du Losc, a raccroché les crampons mais pas la poésie. Armé d’un simple micro, il distribue à qui veut l’entendre, ses mots crus comme d’autres des cartons jaune ou rouge. Dépouillés de toute musique, ses « chonsons » (le terme vient de lui) venues des tripes, résonnent en nous et nous ébranlent par leur sincérité.
(Jarvis Platini – Sale Hope, autoproduit- 2015)
Olivier Savaresse
On gardait un lointain souvenir des chansons d’Olivier Savaresse et de son album Au milieu de Nulle part publié en 2006. Après des années de silence, le français et de retour et c’est une bonne nouvelle. On retrouve la singularité de son style, son phrasé mi-Daniel Darc, mi-Gainsbourg, et ses chansons entre humour, mélancolie et décontraction. Dans La galaxie du chien qui fume vous trouverez de 17 chansons pop bluesy où il est question de voyages sous toutes ses formes. tenez-vous prêt pour embarquement, ça va décoller !
(Olivier Savaresse – La galaxie du chien qui fume, autoproduit – 2015)
Gu’s Musics
C’est un peu l’histoire d’une résurrection : celle de Gérald, musicien de 1990-2004 (comme moitié de Viasmatics) et revenu aux affaires en 2012 avec un projet solo Gu’s Musics. L’histoire d’une rencontre aussi entre le Tourangeau et le poètes Yan Kouton avec l’envie née à partir de là de faire des chansons ensemble. Le disque s’appelle Acquaplaning et ressemble à une sortie de route, le genre qui vous envoie dans le décor mais qui s’effectue au ralenti. On se voit aller dans le mur dans un grand geste artistique et poétique avec classe et détachement. Musicalement, comme son voisin Matthieu Malon (Orléans n’est pas très éloigné de Tours), Gu’s Musics fait le lien entre le Gainsbourg de la Tête de chou et la new wave de Cure modernisée : la voix en spoken word de Gérald, sa basse obsédante et sa guitare acoustique dominent un abime d’électronique froide et d’agrégat électrique. On est prêt à tomber avec lui.
(Gu’s Musics – Aquaplaning, autoproduit – 2014)
Gratuit
On n’est pas là non plus pour rigoler. Antoine Bellanger, également membre de Belone Quartet, parle de « post-tragédie grecque » en évoquant son dernier rejeton, Là. Drôle d’idée pour ce qui apparaît au premier abord comme une petite musique inspirée par une new wave synthétique et désincarnée. Mais, Gratuit n’est pas Lescop et sait donner une densité et une profondeur à sa musique, entre envolée et bruitisme introspectif. Et derrière le minimalisme de façade (démenti par des sonorités organiques et un assemblage savant), il y a bien un souffle tragique qui parcourt tout le disque. De coup de sang en mélopée, c’est bien un moi intérieur qui s’exprime. Pour un peu, là où Cranes avait échoué en voulant adapter la Tragédie d’Oreste et Electre en mode new wave bruitiste, Gratuit réussit ce drôle de mélange en parlant de lui. Le bonheur, même ténébreux, c’est gratuit.
(Gratuit – Là, Labels Ego Twister & Kythibong – 2015)
Pain Noir
On le connaissait sous le nom de St Augustine, le revoilà caché derrière Pain Noir. De sa voix chevrotante (pas si éloigné de celle de Devendra Banhart), François-Régis Croisier cultive un petit côté suranné d’une folk que l’on imagine jouée au coin du feu, entre guitare acoustique, piano bastringue et mmmmmmm que l’on chante de bon coeur. Un Murat, un peu Bill Callahan, l’Auvergnat est bien un gars de la campagne donnant sans cesse des reflets mordorés à cet intimisme musical. Un peu d’électronique jouée avec parcimonie, en bonne intelligence, participe à créer des harmonies sans pareilles. On devrait être plombé par cette musique nocturne et en fait, on se met à rêver de paysages insensés. Pain Noir, comme un petit miracle.
(Pain Noir, Label Microcultures – 2014)
Dylan Municipal
Bienvenue en absurdie. Dylan Municipal est de retour ! Si les chansons décalées, les textes à double fond et les histoires du quotidien détournées c’est votre truc, alors allez écouter de ce pas Nieuport/Nieuwpoort, nouvel épisode de l’œuvre sans égal de Dylan Municipal. Comme chez Mendelson, les textes de Dylan Municipal sont plutôt narrés que chantés. On part de choses banales, de petites histoires du quotidien, des souvenirs pour les amener sur des terrains accidentés, et sans jamais prendre de raccourcis. C’est beau, c’est étrange, souvent captivant et musicalement très bon.
(Dylan Municipal – Nieuport|Nieuwpoort, label Pilotti – 2015)
Flegmatic
Et si Flegmatic Aka Thomas Boudineau était une vision parfaite de ce que la variété française peu donner de meilleur. Textes hyperréalistes ou cocasses mais poésies implacables et profondes. Musiques dépouillées mais drôlement composées et arrangées (avec, entre autre, son compère des Hiddentracks, Michael Wookey). Tout en faux-semblants. Dans le petit topo, aussi émouvant qu’instructif, qui accompagne la Mostla-Tape (L’Esprit De Conquête), le garçon finit par remercier Richard Brautigan : et bah… on comprend pourquoi. Majestueux… un MUST !
(Flegmatic mostla-tape : L’Esprit de conquête, La Souterraine – 2015)
Le Bâtiment
Si j’avais un truc à dire au Bâtiment, ce serait : Vas-y fonce et surtout continue parce que j’adore ce que tu fais. Ton art est franc, dénué de pudeur, introspectif et flirte avec l’analyse, c’est très beau. J’ai eu l’occasion de te voir jouer à l’Olympic Café (Paris XVIII) en février (le même soir que Flegmatic et Orso Jesenska qui assurent comme des bêtes aussi). Tu tiens la scène tout seul avec une aisance déconcertante juste avec une vieille guitare désaccordée au picking un peu folk. Même quand tu perds ton capodastre tu ne te démontes pas. Tu charries ton fardeau comme un Syd Barrett version salle de bains de maman. C’est impeccable. Quand je t’ai croisé après ton set au bar et que j’ai vaincu ma timidité pour te dire que ton show était cool, tu m’as serré la main tout souriant comme si la réflexion était étonnante.
(Le Bâtiment Répertoire Mostla tape, La Souterraine – 2015)
Sélection signée B. Richard, S. Monnot, D. Zorgniotti et J. Adans