Moderne et intemporel, classique et classieux, Static Observer arrive invariablement à tirer la pop vers le haut avec son premier album.
Static Observer cultive le secret et ne se livre pas facilement. Il est effectivement l’observateur statique, y compris de sa propre communication et c’est finalement avec une joie décuplée que l’on écoute le disque, se disant que l’on a vraiment découvert un truc. Le duo, Jean-Baptiste et Julien , vient de Bordeaux et vit désormais à Paris ; des petits détails biographiques pour un localisation géographique finalement sans importance. La localisation véritable de Static Observer est ailleurs, plutôt dans un espace de sensibilité à fleur de peau qui dépasse les frontières. C’est un peu l’Internationale des voix haut perchées, porteuses d’émotion exacerbée et de mélancolie diffuse, qui se donne rendez-vous : la Suède de Jay Jay Johansson, la France d’Overhead, l’Allemagne de Maximilian Hecker, l’Angleterre de Radiohead. On penserait aux Etats-Unis de Jeff Buckley si Static Observer utilisait des guitares – ce qui n’est pas le cas : l’univers du duo est composé de voix, de programmations électroniques et de claviers. Beaucoup de claviers et de toute sorte, que ce soient des pianos classiques, des pianos électriques ou des synthés proprement dit. Cet assemblage subtil donne la personnalité, ouatée, à notre duo. Ce sentiment de mouvement au ralenti qui adoucit les heurts.
Static Observer n’est pas fondamentalement rock dans ses accords, le premier Rorschach Litany peut encore nous donner l’illusion de cette filiation, malgré la présence de programmations pointillistes et l’absence de guitare : Radiohead nous a appris à appréhender le genre ainsi et les Français lui emboîtent le pas avec talent. Mais rapidement, c’est bien du côté d’une écriture jazz qu’il faudra chercher. Attention, un jazz à la Jay jay (Homely Scatfold) ou évoquant le premier album d’Overhead (Open Heart Zoo) c’est-à -dire aérien, sensuel, et largement incarné par un vocaliste, sorte de crooner androgyne du cercle polaire. L’électronique n’est pas étrangère dans le ressenti d’un disque aurait pu paraître jazz(y) en acoustique et qui devient dès lors bien autre chose, une pop hybride du XXIe siècle.
Quand la musique s’emballe et prend de l’ampleur et de la passion, on pense à du Prokofiev qui aurait rencontré Archive (Ederly Parano). Ou au Satie des Gnossiennes ou à l’Arvo Part de Festina Lente quand il s’agit de trouver des accords flottants au piano, promesse délicate d’aller chercher un ailleurs mystérieux (when, open heart zoo, Faulkner’s).
Avec tout ça, on se dit que Static Observer, groupe lettré et curieux, se singularise de toutes ses références possibles et trouve sa propre personnalité. Qu’on tient là un duo qui mérite le meilleur et qui risque de hanter votre discothèque…si tant est qu’il puisse parvenir à vos oreilles.
Denis Zorgniotti
Static Observer – Rabbit’s Run
label : Harmonia Mundi (digital)
Date de sortie : 20 novembre 2015