En escapade solo de son projet June Et Jim, Borja Flames évolue dans un folk hybride, tribal, coloré, un pied dans la Latinité des suds d’une Violeta Parra, l’autre on ne sait où.
Tous les arts ont évolué au fur et à mesure de leur histoire, en réaction ou en replis sur soi face au monde qui l’entoure. Toujours en quête de nouveaux modes d’expression, de manières de raconter un récit.
Pourquoi ne pourrait-il pas en être de même de la chanson ? Vous savez, ces quatre petites minutes résumant en quelques mots, en quelques mots une certaine vision du monde.
C’est un peu la démarche de l’excellent label Le Saule qui d’Antoine Loyer en passant par Aurélien Merle ou encore Jean-Daniel Botta ou la sublime Leonore Boulanger. A mi-chemin entre la folie du laborantin, l’âme libertaire du révolutionnaire, l’errance de l’improvisation, ils sont dans cette recherche d’un nouveau vocabulaire.
Certes, ce n’est pas toujours aisé de rentrer dans ces sonorités différentes mais il se dégage une telle générosité des productions du label qu’il est difficile de ne pas y saisir cette science, cette méticulosité des artisans. En ces temps où l’on tend à se méfier du voisin, à le laisser à nos portes, Borja Flames comme ses amis musiciens lui va voir ailleurs si l’air est meilleur.
Il le fait avec cette pertinence qui lui permet de ne pas faire ressembler ses chansons à une carte postale clichetonnante ni à un catalogue d’enregistrements de musique du monde pour musicologue monomaniaque. Vous savez, vous en avez forcément rencontrer déjà un, ce gars qui cherche la première édition de chants tribaux du sud du Nordeste. Non, Borja Flames fait bien plus que cela. Un pied dans le patrimoine, il mène bien plus loin ses tonalités latines.
Bien entendu, c’est assez proche de ce qu’il fait avec Marion Cousin dans June et Jim mais pourtant, il y a comme une forme de Citadinité jamais vraiment rencontrée dans la musique de son groupe. On croit parfois sentir le murmure d’une ville, le bruissement de la circulation, le dialogue des quais d’une cité portuaire. Plonger dans Nacer Blanco c’est un peu se perdre dans la prose de Cendrars, y croiser Violeta Parra qui prendrait un verre avec Moondog.
Descendre de Valparaiso vers les terres de Feu, rejoindre Quinto.
Tout ici est boucle et répétition, tout est collage et cadavre exquis. Une étrange dissonance sensuelle et déroutante qui impose à son auditeur une attention de chaque instant pour en deviner bien des secrets dissimulés au centre de ces structures surréalistes. Il y a cette langue espagnole, belle et douce.
Bien entendu, on retrouve dans Nacer Blanco cette même attirance qu’avec June et Jim pour une forme de mysticisme premier, pour une rythmique qui doit tellement à la transe.
Ce qui est remarquable chez le Label Le Saule, c’est la patte reconnaissable immédiatement des productions de ses artistes. Il y a également cette intelligence à parsemer leur musique d’éléments des musiques du monde pour mieux ouvrir nos esprits.
On se plait à se dire que finalement, leur démarche, c’est aller à la rencontre des autres, des anonymes, de les rendre uniques. Ou comme Vincent Moon qui bourlingue le monde de rendre notre planète plus petite, de créer une communauté faite de ses différences. Cette attitude comme un geste citoyen mais du monde.
C’est savant mais jamais intimidant. C’est exigeant mais pas hermétique. Borja Flames propose avec ce premier album l’émergence d’une nouvelle conjugaison, de nouvelles voies à explorer. Désaxez donc vos hémisphères avec ce Nacer Blanco ouvert aux quatre vents.
Greg Bod
Borja Flames – Nacer Blanco
Label : Le Saule
Sortie : le 05 Février 2016