Monnot fait son footing au milieu des algues et des coraux au son du dernier album des Limiñanas, et ça le transcende comme jamais !
Je suis prêt à bondir hors de chez moi, l’air crétin en short et basket, pour ma séance de détox hebdomadaire, le footing pastoral stabilisateur de ma chimique interne. Le téléphone sonne. C’est le boss furax qui fume au bout du fil : je ne lui pas encore faxé ma chronique du dernier Limiñanas. Je bafouille que je l’ai écouté mais… mais… mais… que je n’ai pas encore trouvé la sainte inspiration.
Dans la vie, faut savoir mentir, se faire désirer mais faut pas non plus abuser et se faire oublier.
Il dit : « Ne te justifie pas, tu te couvres de pipi ! »
Je réponds : « Naaannn… ça c’est quand je suis trop bourré. » Je raccroche coupable.
Je glisse la cassette de Malamore dans mon walkman, clipse ce dernier à l’élastique de mon slip fétiche, motifs panthère, celui que je mets toujours pour courir parce qu’il ne m’irrite pas. Lui et moi, c’est comme Dumbo et sa plume. Je chausse mon vieux casque aux mousses d’écouteurs orange que je maintiens avec mon bandeau anti-sueur bleu-blanc-rouge vendu comme ayant appartenu à John Mcenroe et Stewart Copeland.
Me voilà parti. Nos transpirations se mêlent : celles du grand tennisman, du batteur de Police… et la mienne. Symbiose parfaite. J’ai une heure pour en baver et préparer mentalement ce fichu papier.
The Limiñanas est un OVNI psycho-garage du vingt-et-unième siècle tout droit sorti du fond halluciné de la fin des années soixante et du début septante. Tout en boucles longues et hypnotiques de basse-batterie, guitares fuzzées, trémolées, whawhaées, nappe ou plaquage de synthés débridés comme des 103 SP… métissé de mélopées exotiques. Poilu et complexe.
Dès le deuxième morceau (El Beach), je suis téléporté à la plage… attention pas n’importe laquelle… 66, 11, maxi 34 au nord, il fait chaud, texte ultra-réaliste, débité avec un flegme à la Audiard, très très classe, sur une seule note déclinée ad libitum, gonflant pour devenir plus grosse qu’un bœuf, étouffante jusqu’à se vêtir d’une cithare et exploser en chœurs dignes du Temps Des Gitans… magnifique !
Autant dire que quand l’oxygène commence à manquer et que les endorphines prennent le relais, je monte d’un cran au septième ciel. Purée de purée… je me décorpore, flottant du Velvet (plein de trucs), à Taxi Girl (Dahlia Rouge) et passant par Gainsbourg pour le chanté-parlé, New Order période Ceremony (Garden Of Love adoubé par Peter Hook… rien que ça) et Morricone façon Bad Orchestra (El Sordo)… mes pieds ne touchent plus le sol.
Quand Paradise Now déboule, j’atteins le climax, l’apogée de la défonce sportive, je touche Dieu ou un de ses potes du doigt sans que mes ailes de cire ne fondent. Je cours entre deux champs de colza jaune pétant et hyper odorant, le ciel d’avril est d’un bleu limpide rebaptisé « bleu Limiñanas » pour l’occaz, pas un nuage, juste deux sillages de réacteurs et un para-moteur qui swingue en rythme au-dessus de la nationale 12. Pleine bourre vers l’Ouest, l’éclat du soleil de dix-neuf heures tape les vitres passagers de la masse laborieuse rentrant chez elle. A contre-jour, au loin, les silos se dessinent, là-bas c’est chez moi. Je pourrais m’effondrer là, ce serait super beau comme scène… au ralenti. Le tempo est parfait, un pas sur deux à droite : grosse caisse, un pas sur deux à gauche : caisse claire. La ballade instrumentale, lancinante un peu Butch Cassidy & le Kid, semble avoir été composée pour moi putain… merci !
Va synthétiser et retranscrire tout ça en quelques lignes habiles et intelligibles tiens ! Le mieux c’est de juger sur pièce… The Limiñanas : Malamore.
Stéphane Monnot
The Limiñanas – Malamore
Lbel : Because Music
Sortie : 16 avril 2016