Avec Fell, John Cunningham signe un retour magistral qui n’est pas sans rappeler celui de The Apartments avec cette même consistance qui est donné à celui qui a vécu la souffrance et la joie.
Le propre des grands disques, c’est qu’à leur écoute cela sonne comme une évidence et même parfois bien avant leur découverte, l’on sent à la fébrilité, à l’impatience comme un artiste a pu nous manquer.
14 ans que nous attendions de ses nouvelles, celle de John Cunningham. Certes l’anglais n’est pas forcément le plus connu des artisans Pop mais il est certainement l’un des plus passionnants.
C’est quoi un grand disque finalement ? A quoi mesure l’œuvre magistrale de la plus accessoire ? A quel ingrédient en plus ? A quelle expérience particulière ?
Les réponses ne sont pas une mais mille et cents. Il y a ces grands objets révolutionnaires intransigeants avec la frénésie de leur créativité, ceux qui viennent ajouter leur pierre à un patrimoine.
Fell, le nouveau disque de John Cunningham est de la seconde école. Se dégagent de ces dix titres une tendresse claire et absolument délicieuse avec une géographie quelque peu brouillée. Bien sûr, ce disque sonne comme l’Angleterre, ce fantasme que l’on chérit, celle de Nick Drake mais on y croise également l’Amérique de Joe Pernice, soit une Pop des grands espaces. Il suffit de se laisser emporter par la lente montée en puissance de We get So we don’t know pour être convaincu.
Cela sent la lente patine du temps, la macération nécessaire, l’isolement de ces titres rangés dans des tiroirs de longues années durant pour les laisser vivre et grandir sans leur créateur. Pourtant, à la découverte de Fell, c’est un peu à l’image de ces amis un peu perdus de vue que l’on revoit longtemps après avec qui l’on reprend la conversation comme si elle s’était arrêtée la veille.
Something about the rain semble être le trait d’union avec les autres disques de John Cunningham. On se plait ici et là à voir ce que le temps laisse comme traces dans les compositions de l’auteur.
On ne pourra pas être touché par la tendresse feutrée et subtile de I Can Fly qui rappelle ô combien dans la musique de l’anglais, il y a toujours des appétits pour la chose Soul et Jazz et ce ne sont pas les cuivres majestueux en conclusion du titre qui viendront contredire cette impression. Loin d’une Pop anecdotique, c’est une musique majeure et mature qui a su s’abimer dans la douleur pour mieux en sortir que John Cunningham dispose tout au long du disque.
On y croise également les marottes habituelles, celle pour une Pop Sixties qu’elle soit Flower ou Chamber. Il serait difficile de ne pas penser aux Left Banke ou le Ram de Paul Mac Cartney pour cette même maîtrise des harmonies et du lyrisme.
Il y a cette merveille qu’est la voix de John Cunningham. Certes ce n’est pas un chanteur qui vous surprend par la technicité de son chant, d’ailleurs on s’en fiche un peu mais comme tout bon comédien , il y a ceux destinés aux vaudevilles et puis il y a les acteurs de composition. Ceux qui réfléchissent leurs identités jusqu’au moindre tremblement dans la gorge. Ce n’est pas un John Cunningham mais dix comme autant de chansons. Dix personnages et un seul en même temps qui racontent une seule et même histoire mais avec autant de points de vue qu’il en est possible.
Une histoire comme une vie faites de ses climats polaires et tropicaux. Une histoire comme nos vies, quelque part la marque des grands disques.
Greg Bod
John Cunningham – Fell
Label : Microcultures
Sortie le 24 juin 2016
L’interview « track by track » de John Cunnigham