Panique dans le 16e, ou le récit piquant d’une bataille rangée dans le 16e arrondissement, donne un reportage sociologique illustré avec humour qui ravira ceux qui ne portent pas un collier de perles sur un polo avec crocodile.
Une petite promenade dans une zone de non-droit (une no go zone comme le dit si bien la chaîne US débile et débilitante Fox News) ça vous dit ? Un quartier ultra sensible, tellement replié sur lui même que peu de chaînes télés ou de journalistes osent y fourrer leur nez tant la peur des représailles les tenaille. Un périmètre de plusieurs km2 où une grande délinquance sévit impunément, se riant des lois et de la morale. Un enfer légal où 9/10e des français n’ont aucune envie de vivre (heu… si, ils pourraient avoir envie mais ils ne le peuvent pas !).
Cet endroit enclavé DANS notre capitale (pas en banlieue !) se nomme le seizième arrondissement (où se situent, pour les plus provinciaux de ceux qui nous lisent, la maison de la radio, mais surtout les habitations de la plupart des plus fortunés des habitants de Paris). Le 16ème, si l’on regarde une carte, est une sorte de zone protégée par des frontières naturelles comme la Seine d’un côté, le bois de Boulogne de l’autre et d’une avenue mythique, les Champs Elysées. Dans ces quartiers, on a voté à 60 % pour François Fillon au premier tour de la dernière présidentielle et ne pas payer l’ISF vous fait regarder de travers par votre voisinage.
Mais voilà, que cette bolchévique de mairesse de Paris, cette sale gaucho d’Anne Hidalgo, accompagnée de quelques sbires biberonnés au marxisme, a décidé en mars 2016 d’implanter dans ce quartier un centre d’hébergement pour sans abris !!!! Les colliers de perles ont tressauté et on a avalé de travers le Romanée-Conti servi par cette adorable Juana – émigrée équatorienne si servile et si peu onéreuse… elle accepte 500 euros mensuels au black pour 62 heures de travail hebdomadaire, une perle je vous dis ! La révolution a grondé dans les salons Empire et la colère s’est exprimée sans complexe lors d’une réunion d’information à la faculté d’Assas (une université du secteur, très bien fréquentée car assez sélective…).
Les Pinçon-Charlot, sociologues spécialisés dans l’étude des populations riches de notre pays, retraités mais très actifs, ont assisté à cette édifiante confrontation entre des élus de gauche et des habitants haineux, prêts à tout pour ne pas voir s’installer des pauvres qui, sans nul doute, voleraient et violeraient tout le monde jusqu’aux caniches abricot. Devant cette fronde bourgeoise, ils ont décidé d’éclairer notre lanterne en nous narrant la dure épopée de la Mairie de Paris pour l’installation de ce centre d’accueil ainsi que de la replacer dans son contexte géographique, politique et sociologique.
Une fois de plus, ils démontrent la violence de cette grande bourgeoise envers les moins nantis, leur manque total de sens moral et leur soi-disant bon droit à cultiver un entre soi auquel il ne faut pas toucher.
Le discours est connu, toujours réjouissant (mais aussi révoltant). Cette fois-ci, sans doute avec une envie d’être plus pédagogique qu’à l’habitude, le récit est clair, simple à lire et doublé par une bande dessinée – excellent Etienne Lécroart, dont on ne peut que conseiller la lecture de ses albums à l’inventivité réjouissante – qui, même si elle est parfois redondante, apporte un peu d’humour dans cet univers qui prête de moins en moins à rire.
Lire les époux Pinçon-Charlot devient de plus en plus indispensable et franchement, cette dernière livraison, sans conteste la plus accessible de toutes, continue à porter un éclairage cru sur ce monde des riches qui, au mépris de toute morale, nous nargue comme jamais.
Pierre Salles
Panique dans le 16e ! Une enquête sociologique et dessinée
De Monique Pinçon-Charlot, Michel Pinçon et Etienne Lécroart
Editions La ville brûle
120 pages couleurs – 16 euros
Parution : 21 septembre 2017