[Live Report] L7 et Johnny Mafia au Trianon (Paris) : faisons comme si nous étions vivant(e)s !

Retour vers les nineties hier soir au Trianon : les « pétroleuses » de L7 sont en ville pour jouer leur célèbre album, Bricks are Heavy. Et même si le passage des années a calmé les ardeurs, le discours des filles reste pertinent, voire indispensable en notre époque troublée.

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L7 au Trianon RG – Photo : Robert Gil

Même si L7 viennent régulièrement jouer à Paris, cette tournée revêt un intérêt particulier, car il s’agit de jouer d’abord l’intégralité de leur album le plus connu, le troisième, Bricks are Heavy : celui qui les révéla en 1992. Le reste du set sera composé d’une sélection de titres de leur répertoire. Rappelons en outre que ce groupe emblématique des années 90 tourne toujours avec sa formation « classique », composée de Donita Sparks au chant et à la guitare, Suzi Gardner – plutôt dans un registre « dark » – à la guitare solo, Jennifer Finch – elle, dans l’exubérance et la joie – à la basse, et Demetra Plakas derrière les fûts. Impossible de faire la fine bouche, et le Trianon affiche complet, avec un mélange raisonnable de nostalgiques de la grande époque du groupe – les années 90 – et de plus jeunes fans de punk rock et de metal, dont certains se plaignant ouvertement que la salle soit « pleine de boomers » !

2024 06 18 Johnny Mafia Trianon RG (4)19h30 : Johnny Mafia, le meilleur groupe de la planète venu de Sens, ouvre la soirée, en claironnant à maintes reprises leur fierté de faire la première partie de L7. Pour les 30 minutes qui leur sont imparties, ils ont décidé d’aligner les tueries les plus efficaces de leur discographie – qui en compte beaucoup, cela dit. Ça joue fort et vite comme il se doit, les parties vocales rajoutent tantôt la couche de sucre tantôt celle d’hystérie qu’il faut (même si un mauvais mixage des voix diminue notre plaisir). Dès l’intro avec Green Eye, on sait que le set sera largement consacré aux titres du dernier album, l’excellent et furieux 2024 : Année du Dragon… mais pas d’inquiétude, les nostalgiques des aventures précédentes du groupe auront quand même de bonnes chansons à se mettre sous la dent (nous, nous attendions particulièrement le génial, et très « Pixies », Split Tongue, et n’avons pas été déçus !). Très vite, le public, qui dans une large majorité ne les connaît pas, se laisse embarquer. Comme d’habitude, l’énergie positive et la générosité de Johnny Mafia s’avèrent convaincantes. Mais il y a aussi chez eux cette camaraderie et cette loyauté à leur communauté qui les distinguent du tout-venant : ils laissent Clément et Bastien, deux potes de Sens, réaliser leur rêve et venir jouer et chanter avec eux une de leurs chansons (Runaway, d’ailleurs très bonne). Le set se termine sur un Ride forcené qui fait du bien par où il passe. Mission accomplie pour les Sénonais !

2024 06 18 L7 Trianon RG (7)20h30 : Précédées par une intro « radiophonique » citant des chansons iconiques, du plus bel effet, nos quatre Angelinas de L7 débarquent sous les clameurs de leurs fans. Wargasm en entrée est un peu gâché par un son « mou du genou » (les guitares sont nettement moins fortes et acérées que celles de Johnny Mafia !), qui sera corrigé ensuite, sans jamais atteindre le déluge de métal en fusion qu’on aurait aimé subir, malheureusement. Pour évacuer tout de suite les sujets de frustration (légère), il est clair que le groupe est très « professionnel », prenant la pose pour les photographes, récitant pour la millième fois des phrases toutes faites sensées plaire au public : un groupe US « normal », quoi ! De quoi regretter l’époque des provocations féministes et « punks » de Donita Sparks (vous souvenez-vous du tampon périodique retiré sur scène et jeté à la face du public de Reading qui aspergeait le groupe de boue ?) : les années ont passé, et c’est clair qu’on est moins rebelle à 60 ans qu’à 25… même si les positions politiques anti-Trump du groupe sont toujours mises en avant (pour présenter One More Thing, Donita explique qu’il y a des journées de m… où tout s’accumule, et puis où tu apprends que l’avortement va être interdit !).

Avant Pretend We’re Dead, Donita Sparks se sent tenue d’expliquer, avec humour : « Bon, normalement, c’est ce morceau qui termine nos concerts, mais nous le jouons maintenant comme il est en troisième position sur l’album Bricks Are Heavy. Alors ne quittez pas la salle ensuite. D’ailleurs nous avons demandé que les portes soient bouclées ! ». Et c’est indiscutable que Pretend We’re Dead est une chanson formidable, sa mélodie irrésistible louchant du côté du Glam Rock. Mais ce ne sera pas, à notre avis du moins, le meilleur moment de la soirée. Pensons par exemple à Everglade, qui a quelque chose du Blue Öyster Cult de la grande époque, entre son riff intraitable, ses soli virtuoses, et son refrain facile à retenir : c’est un gros compliment de notre part (rappelons à ceux qui pensent que nous sommes aveuglés par notre amour pour le BÖC que L7 ont fait une excellente reprise de This Ain’t The Summer of Love !), et ce fut peut-être là le sommet de cette première partie.

Quand, au bout de 45 minutes, Bricks Are Heavy est bouclé, Donita nous avoue qu’elles vont se sentir mieux maintenant : « C’est pas mal de pression de jouer un album comme ça… Maintenant, nous allons nous amuser ! ». Et de fait, on a le sentiment que le concert va monter d’un cran dans sa deuxième partie. Le logo sur le fond de la scène, qui montre deux mains, dont une squelettique, formant le « square » de L7, est remplacé par le logo « encerclé » bien plus habituel du groupe, et quelque part, on a le sentiment qu’on passe… aux choses sérieuses. Avec de fortes variations de tons et d’humeur, ce « second set » sera bel et bien plus intéressant que le premier : les amoureux de metal pur et dur se réjouiront sur un excellent Freak Magnet propice au headbanging, tandis que ceux qui avaient besoin d’un peu de repos et d’émotion intense apprécieront la seule pause de la soirée, le très fort Non-Existent Patricia.

2024 06 18 L7 Trianon RG (15)Si l’on est objectif, et au risque de froisser les punks et les métalleux les plus puristes, le réjouissant Shove n’est finalement qu’une bonne vieille danse country jouée avec des guitares électriques, mais peu importe, la bonne humeur qu’il génère est imparable. Le set se termine au bout d’une heure et demie par le single très rock’n’roll datant de 2017, Dispatch From Mar-a-Lago, confirmant ce que ce « second set » a rendu évident : L7 ne sont vraiment pas qu’un groupe de « metal », mais tirent beaucoup de leur charme de leur capacité à aller marauder sur des terrains musicaux adjacents.

Le rappel sera concentré en deux titres, le récent Scatter the Rats, un peu passe-partout quand même, et, heureusement, un Fast and Frightening des origines, pas loin de l’esprit grunge de l’époque, qui nous permet de les quitter repus, satisfaits. Bref si L7 ne sont plus aujourd’hui un groupe « scandaleux », si l’on a parfois l’impression que la machine ronronne tranquillement, les valeurs défendues par Donita et ses copines restent plus que jamais à défendre aujourd’hui. Aux USA comme en France. Et c’est bien pour ça que ce n’est pas anodin de danser sur les chansons de L7, même si elles ne mettent plus le feu comme il y a trente ans de cela.

Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil

2 thoughts on “[Live Report] L7 et Johnny Mafia au Trianon (Paris) : faisons comme si nous étions vivant(e)s !

  1. hello, merci pour le report, je n’étais malheureusement pas a ce concert, et j’en suis bien dégoutée quand je vois la putain de setlist qu’elles ont fait.

    Et juste un truc, L7 n’a jamais fait de Metal ;) et elles n’ont plus 20 piges non plus ! ahah elles ne vont pas s’amuser à se dessaper et se rouler par terre à la cinquantaine.

    Elles ont passé de purs moments de joie comme de colère dans les années 90 car peu de monde les appréciaient en fait, surtout les mecs de groupe ^^ des critiques à gogo.

    Moi, je les ai adoré dès que je les ai entendu, dès leur 1er album !
    je m’etais dis :’ ENFIN des nanas « normales » limite look destroy ‘ que j’adorais car j’etais pareil, et qui faisaient de la bonne zik ! que demander de plus !
    je devais les voir en 1992 a la boule noire malheureusement, je n’avais pas pris de billet car je pensais que mon compagnon n’aimerait pas et en fait… il est fan aussi maintenant.

    Le 2e truc que je voulais dire par rapport à la réflexion de jeunes présent au Trianon, comme quoi il y’avait trop de boomers ?!
    les boomers ce sont mes parents, des gens qui ont +70 normalement et pas +50 comme moi donc (et L7 aussi)… si ça ne leur plaisait pas , pourquoi étaient ils (elles) au concert ?

    ‘fin bref en ce qui me concerne j’aurai aimé les revoir après les 2 sets du Hellfest et le bata en 2015.

    J’espère que les grrrlz reviendront sur Paname et que je pourrais, financièrement, venir car oui lorsqu’on ne vit pas à Paris ou région parisienne et bien entre les billets de train AR + billet de concert et hotel… le concert revient très cher :(

    1. Bon, tu as raison, ce n’est pas du pur « metal » mais je trouve quand même que certains morceaux ont des tendances « metal » assez nettes. Plus que « punk » en tous cas. Ce qu’on a regretté, ce n’est en effet pas qu’elles ne se roulent pas par terre (encore que ce n’était pas loin parfois), juste qu’il y avait un sentiment assez fort de « grand professionnalisme à l’américaine », et parfois pas assez de passion. Quant au commentaire de la jeune femme sur les « boomers », je l’ai retranscrit tel que je l’ai entendu !

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