cinéma

Les Conséquences de l’amour de Paolo Sorrentino1/2

 

 

    Dans un hôtel suisse, luxueux et calme, Titta di Girolama est un client étrange, secret et silencieux dont on ne sait au début strictement rien, ce qui d’emblée intrigue et fascine beaucoup. Et déclenche chez le spectateur un flot de questions : qui est-il, que fait-il dans cette résidence confortable ? Exil volontaire, prison dorée ? Faute à expier, crime à dissimuler ? En effet, les interrogations ne manquent pas à propos de ce quinquagénaire austère et guindé, distant et élégant qui livre en voix off quelques pensées bien senties qui achèvent de le rendre attrayant comme un personnage romanesque. Entre autres, la nécessité impérieuse d’avoir de l’imagination lorsqu’on vit seul. On est d’autant plus séduits que l’acteur Toni Servillo dans sa composition est remarquable : on pourrait penser à la morgue snobinarde et très pince-sans-rire d’un Jacques François, renforcée par la similitude de quelques traits : calvitie, lunettes, port de tête altier, voire méprisant.

Notre homme erre donc comme une âme en peine, fumant sans interruption de longues cigarettes et paraissant avoir fait de sa vie retranchée une métaphore du vide. Mais faire un film sur le vide – et non pas la vacuité – n’est certes pas aisé. C’est sans doute pourquoi le cinéaste va t-il s’ingénier à remplir cet espace laissé vacant et nous fournir un certain nombre de clefs. Ce qui a pour effets d’annihiler le charme intrinsèque de ce que nous voyons et de transformer un film tirant vers le psychologique et l’introspection en un polar énergique.

 

    D’abord, nous apprenons que Titta di Girolama est un héroïnomane à la routine inébranlable, soit une injection hebdomadaire le mercredi à 10 heures, rituel inchangé depuis vingt-quatre ans. Ensuite on entend que sa chambre d’hôtel est en fait une résidence imposée par la mafia sicilienne dont il fut un des gestionnaires malheureux, mais pas trucidés. La confiance a été conservée. Sa nouvelle mission est d’acheminer d’imposantes valises pleines de billets à une banque locale. Tout cela pourrait se prolonger éternellement si la jolie barmaid de l’hôtel n’était pas franchement subjuguée et attirée par cet homme qui affecte de l’ignorer. Toute la dernière partie du film met bien sûr en perspective les conséquences de cet amour-là.

 

    Au fur et à mesure de la mise en place des pièces permettant de mieux appréhender di Girolama, le film change de genre et privilégie l’action à la réflexion philosophique. C’est d’autant plus regrettable que l’action ainsi proposée tient surtout des règlements de comptes sanglants et sans bavures entre mafieux locaux, peu enclins au pardon et à l’indulgence. Dès lors, le mystère entourant l’ancien expert-comptable s’évente pas mal, même si le film va encore offrir quelques rebondissements – un peu trop cousus de fil blanc, au demeurant.

On déplore également la volonté affichée et besogneuse de Sorrentino à présenter un boulot léché en diable. A renfort de musique mode et de cadrages soignés, le film maniéré à la mécanique bien rôdée choisit de s’inscrire dans une esthétique à tout prix, lassante et vaine à plusieurs reprises. C’est là toute la différence entre classe naturelle et toc d’apparat.

Une bonne idée de départ qui ne tient pas toutes ses promesses, telles sont Les conséquences de l’amour. Au fait n’est-ce pas parfois ce qu’est exactement l’amour, mais il s’agit là d’un autre et vaste débat ?

 

Patrick Braganti

 

Film italien – 1 h 50 – Sortie le 16 Février 2005

Avec Toni Servillo, Adriano Giannini, Olivia Magnani

 

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