musique

Xiu Xiu - Fabulous muscles    1/2

Acuarela - 2004

 

 

 

    Xiu Xiu est un groupe originaire de la scène indé d’Amérique du nord. Souvent cette appellation amène une chronique où il est question de néo-truc ou de post quelque chose. Avec Xiu Xiu, ce serait une gageure de chercher à classer la musique du projet emmené par Jamie Stewart dans l’un des tiroirs formatés de la musique contemporaine. Surtout  parce qu’il est difficile au chroniqueur de simplement décrire la musique du combo.

 

    Le plus simple, pour parler de la musique de Xiu Xiu, serait d’évoquer l’histoire de la musique comme un arbre. Un tronc commun menant du classique au jazz et du jazz au rock… puis au sommet, une multitude de ramifications : folk,  techno,  lo-fi,  rap, techno, post-rock, ambiant… et La musique pratiquée par Xiu Xiu se trouverait sur une branche, quelque part au confluent de la pop à mélodie version Pavement ou plus « salement » Bright eyes ; du rock indépunklectronique façon Suicide, du folk US à sentiments façon euh… Ron Sexmith ou Dogbowl par exemple. Mais dans les cimes de l’arbre, où tout est plus enchevêtré, le groupe semble partager des croisements musicaux aussi avec la déconstruction mélodique industrielle façon Trent Reznor et Nine inch nails, avec les longues plages crescendo se déroulant de titre en titre, apanage du post rock, et avec une certaine vague de la techno hypnotique et syncopée, comme en pratiquent les Chemical Brothers version pop  en rendent terrifiant des gens comme Richard James d’Aphex Twin , en durcissent le ton façon Manu le Malin.

 

    En rédigeant la chronique de la sorte, je me rend compte qu’on peut s’attendre à un disque patchwork d’influences au ton un peu rude et à l’unité évidente. C’est vrai. Mais il manquerait au lecteur une composante, la plus importante, qui sous-tend et emporte ce fabulous muscles. Les tripes. L’éructation de sentiments, violente dans sa crudité et son absence de fioritures. Des sentiments obscurs, terrifiés, ou de simples cris de douleur qui forment le terreau du disque. Un terreau recouvrant le rock pratiqué, ou plus loin l’ambient, le punk, et  la folk -en quelques plages plus apaisées de cet album aux dix titres unis comme les dix doigts des deux mains. Depuis longtemps le chroniqueur que je suis n’avait plus entendu un tel désespoir, aussi réaliste, aussi touchant. Les paroles, reproduites sur la pochette, font froid dans le dos. La voix en forme de murmure falsetto de Stewart émeut autant qu’elle irrite. Le mélange rappelle feu Ian Curtis et les ambiances prônées par Joy Division. Une grande réussite. Une réussite qui se mérite. Au fil des écoutes l’ambiance se plombe un peu plus ; une écoute au casque rendant même encore les mécanismes de ce désespoir sonore  plus précis et plus efficaces. Une question se pose pourtant : sort-on vraiment indemne de pareille écoute ? A ce titre, Support our troops oh ! n’est-il pas le plus éclairé des textes écrits ces derniers mois sur le destin misérable de certaines troupes engagé dans des conflits qui les dépassent : did you know you where going to shoot/ off the top of a four year old girls head/ and look across her car seat down into her skull/ and see into her throat and did you know/ Her dad would say to you/ please sir can I take her body home(…). A découvrir absolument.

 

Denis