musique

Refree - Nones   

Acuarela songs - 2003

 

 
 

    Les fouineurs des bacs indé tiennent désormais pour cliché le fait de dire que les musiciens espagnols leur échappent de plus en plus (… aux clichés).

 

    Si les charts de l’autre côté des Pyrénées sont parmi les plus pathétiques d’Europe (avec en plus des traditionnelles pièces montées variéto-flamenco-kitsch, une grosse main mise de leur Starac’ nationale, encore plus qu’ici, c’est possible !), les groupes indépendants se font quand même entendre, et le rock espagnol fait tranquillement mais sûrement sa movida. Ce n’est ainsi sans doute pas un hasard si le meilleur festival continental (après l’historique Glastonbury) s’y tient tous les ans à Benicassim.

 

    Suivant les pas de Migala notamment, et des groupes du label Acuarela, Refree sort ainsi son deuxième album après le modeste et néanmoins remarqué Quitamiedos. Refree, c’est d’abord, voire uniquement, Raul Fernandez, songwriter barcelonais francophile. On pouvait entendre Françoiz Breut sur son premier album, elle est à nouveau présente ici, mais pour ses seules qualités d’illustratrice puisque c’est elle qui signe la pochette du disque. Qui débute par ailleurs par un très beau titre, Les Soldats perdus. Entrelacs d’accords de guitares et piano, glockenspiel venant se mêler à cette douce sarabande : on se croirait presque chez Gorky’s Zygotic Mynci.

 

    Si le folk est à l’honneur sur la plupart des titres, le format chanson n’est pas toujours respecté à la lettre, comme il l’est le plus souvent chez les Gallois. De plus, Refree joue une musique qui bien qu’elle évoque le plus souvent de nombreux sentiments (la mélancolie se taille néanmoins la part du lion), en appelle très souvent à la raison : on peut alors légitimement parler de post-folk pour cette musique cérébrale avant tout.

 

    C’est là que se situent les limites de Nones : évidemment, et c’est à mettre à son crédit, de nombreuses influences viennent se greffer (jazz, cabaret, une pincée de latino qui renvoie du coup à Calexico, chanson espagnole même avec un petit côté Joan Manuel Serrat, célèbre auteur-compositeur catalan), et de manière très fluide, très naturelle, harmonieusement. Mais on a du mal à quitter un même registre un peu tristounet, sans véritable relief, comme si la musique restait « en dedans », sur sa réserve. Bien sûr, il n’est pas question de demander à Refree de s’adonner à des extravagances sonores ou de se faire remixer par David Guetta, mais il en faudrait peu pour que la modestie et le profil bas affichés passent pour des défauts et révèlent un certain manque de personnalité. C’est là que le groupe souffre un peu de la comparaison avec les Gorkys puisqu’ils ont déjà été cités, eux qui n’hésitent pas à évoquer et dessiner sans demi-mesure les sentiments qui les ont inspirés et qu’ils inspirent en retour à leurs auditeurs.

 

    Reste que Nones est un bon album. Il se dégage de ses meilleurs moments une sorte de chaleur douce assez réconfortante malgré le ton peu enjoué prédominant. Il est vrai que les vertus apaisantes de la mélancolie ont depuis longtemps traversé toutes les frontières…

 

Laurent