C’est
avec un plaisir non dissimulé qu’on s’atèle à la
chronique de quel effet ?, premier album
solo de Samir Barris. Samir et non Samis
comme le prénommait, il y a peu, un célèbre
hebdomadaire musical français, relayant son travail sur
une compile dédiée à la scène belge. Avec plaisir,
parce qu’on suit le parcours de l’homme autant que
de l’auteur compositeur Schaerbeekois depuis
longtemps. Avant même qu’il prenne la batterie comme
instrument de travail au sein du groupe Melon Galia, un
désormais défunt combo bruxellois qui n’a
malheureusement pas marqué l’histoire, malgré son
caractère de pionnier d’un retour du chant en français
dans la pop belge anglophile et l’égide artistique
des dessinateurs Dupuy et Berberian.
On
devine que cette fin un peu
tristoune d’un groupe qui occupait pas mal des
journées du jeune homme a du porter un grand coup au
moral. Tout comme on se rappelle avoir discuté avec lui
un soir, et raconté qu’on trouvait que ce Melon
Galia qu’on venait de juger sur pièces aux
festival Nuits Botanique, manquait un peu de strass de Katerine,
du charme enfantin de Mathieu Boogaerts et de
l’énergie qu’on trouvait à l’époque chez Diabologum,
Dominique A, puis Miossec, ou chez les
anglophones Yo La Tengo et Pavement, (eux
aussi aujourd’hui disparus). Autant de références
qu’on savait pourtant appartenir aux goûts de Samir.
On se souvient aussi, presque pour l’anecdote, des
soirées du Pignon, où on le croisait discutant avec Nicholas
Yates, son futur contrebassiste, de Mingus et
John Coltrane ; de Mc Laughlin et Paco
de Lucia
Ce
qu’il y a d’amusant avec quel effet ?
c’est qu’on y trouve un peu de tous ces souvenirs mélangés.
On sait que Thierry de Brouwer, leader des Melon
y pousse texte et chansonnette, et qu’Aurélie
Muller, bassiste, vient parfois prêter main forte
sur scène. On entend au phrasé de Samir, et
c’est une des deux petites critiques qu’on a envie
de faire à l’album, qu’il se pose souvent en héritier
inspiré du « flow » de Boogaerts (mon
agenda) et du Katerine de mes mauvaises fréquentations
(cf. l’éponyme quel effet ? ou Salut
bonjour) ; parvenant à se départir pourtant
d’un mimétisme musical qui aurait tenu lieu de faute
de goût. On entend aussi, au fil des chansons, que le
jeune père n’a pas oublié l’étude académique de
la guitare classique exercée en ses primes années. Il
distille sa maestria avec six cordes, selon un mode pop
/ jazzy + contrebasse qui renvoie bien évidemment aux
discussions enflammées sur les maîtres de la fusion et
de la guitare andalouse. On s’y bat parfois, c’est
la deuxième critique -et on sait qu’on pinaille quand
on reporte cette dernière à l’aune de la réussite
globale de l’opus-, avec des paroles très écrites où
plane la (dé)formation d’années facultaires passées
à l’étude de la littérature: où l’on se « meut »
plutôt qu’on bouge, on « souscrit » plutôt
que donne son accord, « tend des perches par
contumace» et où on a la « berlue » plutôt
qu’on est étonné. On se réjouit enfin, et Samir
fait fort, de le voir jeter un pont entre la pop
classieuse à la française et l’énergie jouissive
des groupes pop/rock anglo-saxons, le tout avec une
presque naïve unité d’univers. Ces titres plus enlevés
remportent d’ailleurs l’adhésion inconditionnelle
de votre serviteur qui voit en outre avec bonheur y
ressurgir la mise en rock d’un je voudrais pas
crever, de Vian jadis au répertoire scénique
de Melon Galia.
Un
disque de retour aux affaires donc, qui mord les Lettres
à pleines dents et se voit en padawan de la déjà arrière
garde de la nouvelle pop française. Un album qui jette
les bases du jazz pop français à la Barris. Lilia
a de quoi être fier de son papa et l’auditeur y
trouve une occasion supplémentaire de passer un moment
frais et léger en compagnie de la chanson française.
Un disque qui devrait à n’en pas douter trouver
rapidement un distributeur à l’extérieur du royaume.
Denis
Verloes
Tracklist
:
01.
Le fossé
02.
Quel effet ?
03.
Fruit mûr
04.
Mon vœu
05.
Invitation
06.
Mon agenda
07.
Le chemin
08.
Plaire
09.
Les remontrances
10.
Je voudrais pas crever
11.
Salut bonjour
12.
Au pré de toram
Durée
: 39’15
Date
de sortie
: (B) :
14/04/2006
Plus+
Le
site officiel
L’espace
Myspace
Gribouillis
de pochette par Olivier Spinewine, auteur de clair
soleil
Nicholas
Yates officie par ailleurs chez Ruacutane
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