Michka
Assayas - Exhibition
L'arpenteur
- 2002
Je me souviens, au début des années 90, Michka
Assayas passait régulièrement chez Bernard Lenoir,
souvent le vendredi soir, pour parler d’un film,
d’un disque qui l’avait touché quelques jours plus
tôt. Petit à petit je m’étais fidélisé à ce
rendez-vous, j’avais appris à aimer l’écriture
soignée des papiers d’Assayas et je savais, qu’à
chaque fois qu’il parlait d’un film,
je ne serais pas déçu en le voyant. C’est grâce à un très beau papier sur le premier
Tsai Ming-liang (vive l’amour !) que j’ai découvert
le nouveau cinéma asiatique qui débarquait dans nos salles à cette
époque. Et pour ça je
lui en serai toujours reconnaissant.
C’est sans doute en hommage à ces moments-là
que j’ai acheté et lu Exhibition l’un
des nombreux romans de cette rentrée littéraire 2002.
Sans vouloir tout suite trouver
des similitudes avec les romans de qui que ce soit, on
ne peut s’empêcher tout au long de ce livre de penser
à Houellecbecq. Car il faut être franc,
Philippe, le héros est typiquement Houellebecquien
dans sa façon de vivre, dans ses réflexions, dans sa
vision de la société et dans le regard cynique qu’il
porte sur elle.
Philippe, la quarantaine dépressive, est un
journaliste rock qui passe son temps devant le minitel
à dialoguer sur des serveurs à caractère sado-maso.
Sa vie en demi-teinte l’amène à faire des piges
par-ci par là, notamment lors d’une émission de
radio sur Sonic FM (sorte de Oui FM) dans
laquelle il intervient pour parler de Ian Curtis et Joy
division, alors que tout le monde semble s’en foutre.
Mais Voilà, Philippe et celui qui les a vu, alors on
entretient malgré tout une légende qui n’intéresse plus grand
monde, surtout depuis que Kurt Cobain s’est
suicidé et occupe désormais la place de
légende-rock-rebel-mort dans
les têtes des ados d’aujourd’hui.
Assayas, tout au long des trois
cents et quelques pages que dure le roman, fait une
sorte de bilan de la société actuelle tout en
regardant constamment dans le rétroviseur et en évoquant
les années 80 durant lesquelles il semble s’être épanoui.
Exhibition est une
sorte de regard plutôt lucide et corrosif, mais
pas dénué d’humour, sur la société contemporaine.
Les références musicales y sont constantes (Bob
Mould, the Clash, New Order, Brian
Wilson...) et indiquent, assurément, une grande
part d’autobiographie dans l’écriture, tant la véracité
de certaines anecdotes semble criante à plusieurs
reprises.
Le style est simple, clair et les
phrases bien équilibrées donnent un roman agréable et
vif à la syntaxe parfaite. Car en plus d’être une
excellent journaliste rock, Assayas est aussi un grand
romancier, et la qualité de son écriture en est la
preuve incontestable.
Auteur du Dictionnaire du rock, édité chez
Laffont en l'an 2000, Michka Assayas
considère Exhibition comme son premier véritable
roman, après avoir publié deux autres récits : Les
Années Vides (1990), et Dans sa peau (1994).
Benoît
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