roman

Jean-Paul Dubois - Une vie française    

Éditions de L'olivier - 357p, 21€ - 2004

 

 

 

    Contrairement à d'autres, Jean-Paul Dubois publie peu. Et bien visiblement, cela lui réussit ! Car il nous livre en cet automne 2004 un des plus beaux livres de la rentrée ! « Une vie française » s'inscrit comme une saga, racontant la vie d'un français un peu décalé, un poil désabusé, souvent en porte-à-faux, comme le sont habituellement les personnages de cet auteur… et ce, sur une cinquantaine d'années, offrant ainsi au lecteur une vision également panoramique de l'évolution de la France, tant sur un plan économique, sociologique que culturel ! Les titres des chapitres font d'ailleurs référence aux Présidents en cours d'exercice, la vie de ce Paul Blick démarrant sous De Gaulle pour s'achever à notre époque sous Chirac.

 

    Jean-Paul Dubois est un dandy littéraire assez influencé par l'Amérique (admirateur d'auteurs comme Raymond Carver ou John Updike) et qui sait parler comme nul autre de la « mid-crisis », cette crise de la quarantaine qui frappe d'autant plus fort ceux qui ne se sont jamais sentis complètement adaptés, tant à la société qu'à leur vie tout court, et qui conservent toujours un regard distancié et quelque peu sceptique sur ce qui leur arrive… (« Je ne voulais pas travailler huit heures par jour. Il était hors de question que quelqu'un d'autre décide pour moi de l'heure à laquelle je n'avais plus sommeil… »). Et Dubois le fait avec dérision, distanciation, élégance et humour noir. Ses titres de romans sont d’ailleurs révélateurs et parlent pour lui : « Les poissons me regardent », « La vie me fait peur », « Je pense à autre chose », « Parfois je ris tout seul »… L'un de ses livres, « Kennedy et moi », a également été brillamment adapté au cinéma par Sam Kerman, avec un Jean-Pierre Bacri (dans son meilleur rôle) qui collait parfaitement à cet univers un peu désabusé.

 

    Ceci étant, même je prenais toujours du plaisir à lire les livres de Jean-Paul Dubois (livres que j’achète fidèlement, comme je vais voir fidèlement chaque année le nouveau Woody Allen, qui pourrait être d’ailleurs un de ses cousins…), je trouvais aussi qu'il tournait un peu en rond. Y manquait notamment à mon goût de l'émotion. Et bien son dernier livre, au classicisme pourtant très formel, me comble dans toutes mes espérances, car non seulement, il y a des scènes jubilatoires qui m'ont fait éclater de rire toute seule (dont une sexuelle avec un rôti qui n'est pas sans rappeler l'humour salvateur de « Portnoy et son complexe » de Philip Roth, auteur que Dubois affectionne particulièrement, ce qui me fait dire que cette scène doit être une sorte d'hommage, tout à fait réussie !), mais il y a également des scènes émotionnelles intenses, où perce beaucoup de tendresse. Scènes qui nous prennent d'ailleurs par surprise. Et l'équilibre précaire qui consiste à doser rires et larmes est ici parfaitement dosé, et le signe d'un livre qui s'annonce comme une réussite majeure ! Le public ne s’y est d’ailleurs pas trompé (il est classé parmi les meilleures ventes), de même que les critiques, qui l’annoncent bien placé pour le Goncourt. On ne pourra que se réjouir de constater que, pour une fois, tout le monde semble d’accord !

 

Cathie Maillot