Contrairement
à d'autres, Jean-Paul Dubois publie peu. Et
bien visiblement, cela lui réussit ! Car il nous
livre en cet automne 2004 un des plus beaux livres
de la rentrée ! « Une vie française »
s'inscrit comme une saga, racontant la vie d'un français
un peu décalé, un poil désabusé, souvent en
porte-à-faux, comme le sont habituellement les
personnages de cet auteur… et ce, sur une
cinquantaine d'années, offrant ainsi au lecteur une
vision également panoramique de l'évolution de la
France, tant sur un plan économique, sociologique
que culturel ! Les titres des chapitres font
d'ailleurs référence aux Présidents en cours
d'exercice, la vie de ce Paul Blick démarrant
sous De Gaulle pour s'achever à notre époque
sous Chirac.
Jean-Paul
Dubois
est un dandy littéraire assez influencé par l'Amérique
(admirateur d'auteurs comme Raymond
Carver
ou John
Updike)
et qui sait parler comme nul autre de la « mid-crisis »,
cette crise de la quarantaine qui frappe d'autant
plus fort ceux qui ne se sont jamais sentis complètement
adaptés, tant à la société qu'à leur vie tout
court, et qui conservent toujours un regard distancié
et quelque peu sceptique sur ce qui leur arrive… (« Je
ne voulais pas travailler huit heures par jour. Il
était hors de question que quelqu'un d'autre décide
pour moi de l'heure à laquelle je n'avais plus
sommeil… »).
Et
Dubois
le fait avec dérision, distanciation, élégance et
humour noir. Ses titres de romans sont d’ailleurs
révélateurs et parlent pour lui : « Les
poissons me regardent », « La vie
me fait peur », « Je pense à
autre chose », « Parfois je ris
tout seul »… L'un de ses livres,
« Kennedy et moi », a également
été brillamment adapté au cinéma par Sam
Kerman,
avec un Jean-Pierre
Bacri
(dans son meilleur rôle) qui collait parfaitement
à cet univers un peu désabusé.
Ceci
étant, même je prenais toujours du plaisir à lire
les livres de Jean-Paul
Dubois
(livres que j’achète fidèlement, comme je vais
voir fidèlement chaque année le nouveau Woody
Allen, qui pourrait être d’ailleurs un de ses
cousins…), je trouvais aussi qu'il tournait un peu
en rond. Y manquait notamment à mon goût de l'émotion.
Et bien son dernier livre, au classicisme pourtant
très formel, me comble dans toutes mes espérances,
car non seulement, il y a des scènes jubilatoires
qui m'ont fait éclater de rire toute seule (dont
une sexuelle avec un rôti qui n'est pas sans
rappeler l'humour salvateur de « Portnoy et
son complexe » de Philip
Roth,
auteur que Dubois
affectionne particulièrement, ce qui me fait dire
que cette scène doit être une sorte d'hommage,
tout à fait réussie !), mais il y a également des
scènes émotionnelles intenses, où perce beaucoup
de tendresse. Scènes qui nous prennent d'ailleurs
par surprise. Et l'équilibre précaire qui consiste
à doser rires et larmes est ici parfaitement dosé,
et le signe d'un livre qui s'annonce comme une réussite
majeure ! Le public ne s’y est d’ailleurs pas
trompé (il est classé parmi les meilleures
ventes), de même que les critiques, qui
l’annoncent bien placé pour le Goncourt. On ne
pourra que se réjouir de constater que, pour
une fois, tout le monde semble d’accord !
Cathie
Maillot
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