Qu.’attendre du dernier film de Vinzenzo Natali, marginal auteur de petits exploits de mise en scène ? Rappelez vous Cube, son étalon d’ingéniosité qui frisait la débandade cinématographique, faut bien l’avouer. Cube était pourvu de qualités, dans cette tension de bric à brac, mais sa tendance narcissique à la bravoure labellisée »jamais vu à la TV » ne faisait pas oublier que Cube était, avant tout, l’exploitation longuette d’un court métrage d’étudiant. Alors, on prend peur en lisant le pitch du nouvel exercice cinématographique, intitulé » sobrement » Nothing. Notre prof de métaphysique, si sympa, va ainsi nous parler du vide, dans toute sa majestée : le vide représenté, rien à l’écran, Bam ! une toile blanche, avec deux taches »Oui, deux glandus, misanthropes au possible, se font piéger par les Cyniques qui on su profiter d’eux. Au moment de leur arrestation, Dave et Andrew réduisent à néant le monde qui les entoure tel un ballon qui fait Plop !, trop rempli des derniers souffles dépités de jeunes trentenaires asphyxiés par la société.
Bien loin de la subtilité d’un Thx 1138, qui posait indirectement la question du réel et du spectacle représenté, ce vide absolu qui ronge les éléments à l’écran sonne creux. Ce film-concept ne mesure aucun enjeu cinématographique dans cette esbroufe, qui allège ainsi la portée didactique d’un film qui s’y refuse a posteriori. A l’image des deux protagonistes, qui s’amusent à rebondir sur le néant qui fait alors Bloup, Bloup quand on le cogne, »Nothing » retrouve une primarité, une spontanéité salutaire. Enrobé de cette naîveté, le film de Natali se déguste comme un bonbon gélifié, une plongée cartoonesque qui n’a valeur d’initiation que dans un registre enfantin : le » comment ça marche ? » ne réponds qu’au désir de jouer, et non à la volonté de comprendre les tissages métaphysiques de ce trampoline-monde.
Cette découverte du nouveau monde vient alors se croiser avec les jeux vidéo auxquels ils s’adonnent quotidiennement, presque bêtement, même lorsqu’ils se retrouvent face à cette énigme absolument vierge. Pour eux deux, c’est un nouveau terrain de combat pour leurs guerriers numériques. Ainsi, cette porosité entre monde virtuel, et » réalité » ne s’inscrit pas dans une grande leçon de philosophie prétentieuse. On assiste alors, dans ce deuxième tiers du film (de loin le plus réussi), à une régression vers l’enfance, cocasse et facétieuse où les gags à répétition clignotent à l’oeil comme les blagues apprises à la récré sont répétées mille fois par nos enfants excités et railleurs.
Mais, avec la fin du stade primaire de l’enfant, expulsant son excitation avec tous les moyens de jeu possibles, Dave prend du recul, réfléchit sur cette situation et plus largement sur sa vie jusqu’alors. Quand il remarquait son pouvoir de faire disparaître ces derniers morceaux de réel, le film lui multipliait les pistes de jeu. Mais, quand ce pouvoir bascule vers une réflexion existentielle, ça ne va pas plus loin que le stade adolescent de la philo, époque révision Annabac. Le film se vide alors de l’énergie gentiment puérile de ce duo »club Dorothée » entre Corbier et Jacky. La confrontation des joueurs se mue alors en crise, où l’amitié s’effiloche à mesure de révélations plus ou moins nian-nian. Natali se devait d’épaissir son film d’une approche psychologique (sans abandonné, heureusement, la geste ludique développée tout au long du film). Mais, cela s’avère inutile et superflu »Le grand rien, symbole de la solitude absolue de l’être humain : on a fait mieux dans la métaphore. l’image du néant se dilate, transformant la salle en gigantesque lampe de luminothérapie, pour essayer de captiver le spectateur glissant doucement dans l’ennui. Cette dernière partie du film possède au moins la vertu du pré-générique : le grand rien, vêtu de blanc, ronge petit à petit les derniers éléments du film, indice que la fin est proche.
Maxime Cazin
Comédie Fantastique canadienne de Vincenzo Natali
Sortie le 29 août 2007
avec David Hewlett, Andrew Miller, Marie-Josée Croze…