Soixante ans se sont écoulés mais le passé secoue toujours Raj jusque dans ses rêves. C’est le souvenir de David qui remue notre homme dans sa vieillesse et qui le ramène vers son enfance.
Quelque part dans un camp sur l’île Maurice, Raj a grandi entre ses deux frères et leurs parents, une mère aimante et un père ivrogne et violent. Un jour, un cyclone s’abat sur l’île et décime la famille de Raj. Les survivants décident de s’installer plus au sud, près d’une prison où sont internés des réfugiés juifs. Là Raj va croiser un jeune garçon blond, prénommé David, âgé de dix ans.
L’histoire se tisse autour des souvenirs d’un homme accablé de douleur et de chagrin, rongé de remords. En contant son enfance, Raj pense faire honneur à la mémoire de David, lui murmurer sa prière de repentir. Et à travers sa narration, c’est une autre terrible vérité que le lecteur découvre : le sort réservé à des réfugiés juifs européens qui ont pris le large pour gagner la Palestine avant d’être refoulés vers Maurice. L’histoire se passe durant la seconde guerre mondiale, mais Raj et les siens n’ont eu connaissance de ce chapitre que bien des années après !
« Le dernier frère » est un drame à part entière, dans un climat de torpeur, dans un théâtre de misère, où les foudres de la météorologie s’abattent sans pitié sur cette parcelle du globe. Nathacha Appanah contribue à sa façon à parler de son île pour mieux appréhender son histoire méconnue. Ici il est question des 127 juifs morts en exil à Maurice entre 1940 et 1945. Par la parole de son narrateur septuagénaire, son roman adopte de suite une fatalité glaçante où la tragédie est visqueuse, gluante et désolante. C’est sombre, un peu désespérant. La poésie est moins présente dans ce dernier roman, en comparaison des livres précédents de l’auteur. Mais le sujet est instructif, filant parfois un sentiment frileux.
Stéphanie Verlingue
Le Dernier Frère, de Natacha Appanah
Editions de l’Olivier – 216 pages, 18€¬
Publication : 23/8/2007