A quoi tient la magie d’un film ? Sans doute à pas grand-chose et bien malin qui pourrait appliquer une recette pour la créer. Ce ne sont pas en tout cas les intentions que l’on prêtera à Isild Le Besco qui signe un second long-métrage, après le le coup d’essai autobiographique Demi-tarif qui racontait les tribulations de trois enfants livrés à eux-mêmes, confirmant un univers personnel, aux antipodes de la production majoritaire.
Cette fois, c’est à l’adolescence que la comédienne fétiche de Benoît Jacquot s’intéresse. Elle met en scène son propre jeune frère – Kolia Litscher – dans le rôle de Nicolas, un ado coincé dans sa famille d’accueil, plutôt nonchalant et flemmard, peu expansif. Au cours d’une fugue qu’il entreprend pour se rendre au bord de la mer, son chemin croise celui de Charly, une jeune fille prostituée, vivant à l’écart dans une caravane. Charly embarque Nicolas et l’installe à demeure.
Nous sommes dans un contexte à priori sordide : l’environnement de Nicolas ne respire pas l’opulence et c’est rien comparé à celui de Charly, maquillée comme une voiture volée. Mais ici point de misérabilisme : Isild Le Besco observe avec malice et liberté la drôle de rencontre : l’ado et la jeune prostituée tiennent à la fois du petit couple – Charly atteinte d’une obsession du rangement et de la propreté fait marcher au pas le garçon apathique et peu résistant – et de deux (grands) enfants qui comblent leur temps libre – ce qui est surtout perceptible dans la scène de la récitation.
Une fois le lien opéré, on ne quitte plus guère l’espace clos de la caravane et Isild Le Besco nous y fait pénétrer grâce à ses cadrages serrés et ses filmages en très gros plan. Une proximité qui nous rend les deux paumés particulièrement sympathiques et attachants. Le choix de son propre frère confirme une complicité évidente entre la réalisatrice et son acteur – Kolia Litscher garçon doux et velléitaire, articulant à peine ses mots – mais c’est surtout la composition de Julie-Marie Parmentier en petite bonne femme énergique qui scotche. Pas question pour elle de s’apitoyer sur son sort ni de gaspiller quoi que ce soit : eau, électricité, nourriture. En cela, elle est une cousine de la Rosetta des Dardenne. A qui l’on pense bien sûr comme référence possible, à quoi il faut ajouter Pialat – la famille d’accueil – et Dumont – une certain présence de la nature et la sexualité brute.
Tourné quasiment en temps réel, à l’arraché, Charly vous arrive droit dans les tripes sans même que vous vous en rendiez compte. En confirmant la naissance d’un auteur, le film offre également quelque chose de neuf et d’inhabituel. ajoute sa vision authentique et sauvage à celle des nombreux cinéastes qui se sont penchés sur l’adolescence et ne démérite en aucune façon. Une excellente surprise.
Patrick Braganti
Drame français de Isild Le Besco – 1h35 – Sortie le 12 Septembre 2007
Avec Kolia Litscher, Julie-Marie Parmentier
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