Trois ans après Dans les champs de bataille, la journaliste et cinéaste Danielle Arbid, exilée libanaise installée en France, continue avec son second long-métrage d’interroger le rapport très particulier qu’elle entretient avec son pays d’origine.
Si son premier film prenait place au milieu des années 80 en pleine guerre du Liban, en la transposant au sein d’une famille à travers le regard de la petite Lina, Danielle Arbid choisit cette fois de mettre en scène à l’époque actuelle deux hommes. L’un, occidental, Thomas Koré, est un photographe sillonnant le Moyen-Orient à la recherche de modèles féminins qu’il shoote avec obsession et violence avant des relations sexuelles furtives et passionnées. L’autre, Fouad Saleh est arabe et semble ne plus avoir toute sa tête. Devenu le chauffeur-traducteur de Thomas, Fouad obsède et fascine de plus en plus le jeune photographe par son mystère et son mutisme.
Thomas et Fouad, chacun à leur manière, n’ont rien de sympathique ni d’aimable. Le premier a un comportement machiste, presque colonialiste, peu préoccupé des questions politiques qui ravagent les pays qu’il parcourt. Le second, du fait même de son silence et de son opacité, offre peu de prises à un quelconque attachement. De surcroît, un filmage essentiellement en clair-obscur, serré de près sur les visages, réalisé caméra à l’épaule, ajoute encore au malaise provoqué par la personnalité des deux hommes. En grande partie, Un homme perdu se limite à une errance aux confins de la Jordanie, de l’Irak, de la Syrie et du Liban, parsemée de haltes nocturnes dans des chambres d’hôtels transformées en théâtres pathétiques où posent les jeunes femmes draguées quelques heures plus tôt.
Comme le titre l’indique, il s’agit d’un film sur la perte et la disparition au sens large, qui concernent d’ailleurs Thomas et Fouad, qui sont ni plus ni moins les deux faces d’une même pièce. En parcourant le monde et en laissant derrière lui sa famille, Thomas est dans une fuite et une quête perpétuelles à la recherche de sensations fortes et vaines. Fouad est lui un véritable disparu comme la guerre en a tant engendré. Ainsi que le dit un des personnages, voyager ici, c’est circuler entre les morts.
Avec cette vision étrange et âpre de son pays, on comprend mieux l’état d’esprit d’une réalisatrice de plus en plus écartelée. Un homme perdu irrite et agace parfois, mais il révèle sans conteste une patte d’artiste travaillée par l’exil.
Enfin, l’intérêt du film réside aussi dans sa facture en résonance avec le métier de Thomas. Epaulée par le photographe Antoine d’Agata et la directrice de photographie Céline Bozon, Danielle Arbid donne à voir un film envoûtant et contemplatif. Avant tout, un film de sensations et d’ambiance, donc forcément subjectif et personnel.
Patrick Braganti
Drame français de Danielle Arbid – 1h37 – Sortie le 19 Septembre 2007
Avec Melvil Poupaud, Alexander Siddig, Darina Al Joundi
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www.unhommeperdu-lefilm.com
la bande annonce du film