Algérie, mon Amour… pensait-on que Florent Emilio Siri gueulerait sublimement dans son nouveau film, »L’ennemi intime ». Eh bien non, pas du tout. Après son mauvais »Nid de guèpes » et son divertissant »Otage » Siri, réalisateur que l’on placera difficilement dans un contexte, une culture ou une vague créatrice, établit dans son film de guerre, peut-être une oeuvre à la mémoire des victimes. Autrement, on ne voit pas. Archi-conventionnel dans son squelette, banalement interprété et sans grand intérêt, si ce n’est de rappeler que cette guerre a existé – très bien, merci – le cinéaste signe un film sans envergure ni crêtes scénaristiques.
Empilant les saynètes de l’inhumain comme autant de cadavres mutilés ou carbonisés, »L’ennemi intime » est un film de guerre fait dans la grande tradition, mais qui malheureusement peine à décoller d’un bout à l’autre, faute à la faiblesse de la thématique. Alors que d’autres comme Kubrick et son »Full metal jacket » décident de rentrer dans la vive réflexion en mettant en scène la descente aux enfers d’une troupe et la torpeur de la guerre, Florent Emilio Siri préfère la leçon démonstrative.
Alourdit par une mise en scène beaucoup trop esthétique et à la sensation métallique, de gros plans racoleurs sur des victimes torturées, brûlées ou encore percées, le long-métrage tant attendu du cinéaste vire à la reconstitution ennuyeuse et voulue réaliste – cela pardonnerait-il les horribles plans de face des victimes ? Pas sûr – , et encore plus rapidement au manuel scolaire appliqué et sans particularité.
Filtré bleu et gris pour l’esthétique, rabiboché par deux ou trois transitions douteuses niveau montage, »L’ennemi intime » est un film qui manque cruellement de sérieux, d’implication et de force au final. Pour l’émotion, la structure livrant son quota de scènes d’action barbares et de souvenirs douloureux, le film marche bien de ce côté-là . Mais, à la fois trop court dans l’ensemble et trop direct dans sa démonstration de la violence, »L’ennemi intime » ne cesse de se balancer entre la barbarie montrée crue qu’on aimerait nous faire croire louable à voir, et la psychologie basique de personnages au potentiel charismatique pourtant assez élevé. Benoît Magimel joue le jeu, mais abuse de son regard menaçant pour arriver aux fins de son rôle – fin manquant par ailleurs de crédibilité lorsqu’il plonge dans un excès de violence, la faute à un déroulement inaperçu de la psychologie du personnage – , tandis que Dupontel, lui, s’en sort mieux mais ne parvient toujours pas à s’imposer réellement face aux balles qui sifflent à la lueur du soleil.
Que Siri décide de tout nous montrer en face comme une brute plutôt que de nous le suggérer comme un fin analyste, reste moralement discutable. C’est une façon – la plus simple – de montrer la violence, celle qui s’engendre elle-même chez d’autres par la suite, comme une épidémie redoutable qui décimerait les innocents et les bons. Une façon qui en convaincra plusieurs, et en consternera bien d’autres. Toujours est-il que les arguments restent pauvres pour admettre une propreté à ce mouvement. Bref, un film de guerre qui en vaut d’autres, au souffle court, et sans répercussion particulière sur notre état, ni notre coeur ni nos nerfs. D’un moment à l’autre, les pièges du genre s’offrent à un réalisateur un peu aveugle, certainement connaisseur dans le domaine de l’esthétique brillante (qui ne concorde malheureusement pas avec le film, sauf lors d’une scène flamboyante, comme peuplée de fantômes dans une envahissante fumée blanche, après qu’un avion français fasse exploser l’ennemi d’une simple bombe). Quant à la fin, voulue comme un retour aux bonnes sources morales, elle ne fait qu’enfoncer le clou (déjà grand !) de la simplicité et du message de paix entre les peuples. Comme si tout cela était aussi simple que de dire stop !
jean-Baptiste Doulcet
L’Ennemi intime
Film de guerre français, de Florent Emilio Siri – 1h48 – sortie le 3 octobre 2007
Avec Benoît Magimel, Albert Dupontel, Aurélien Recoing…