Après un retour de flamme dans les années 90, dû en partie à l’inaltérable Clint, les westerns se manifestent aujourd’hui par des productions rares, non seulement pour la diffusion , mais surtout pour l’exigence qualitative dont il font l’objet. Protégés par les codes du genre, les derniers films ont démontré une audace exemplaire. L’assassinat de Jesse James prolonge le miracle.
l’histoire se résume aisément : la fin de Jesse James, chef de gang d’une Amérique sédentarisée, tué par son acolyte au banal nom de Robert Ford. James »inventa » le braquage de banque et attaquait ces trains qui avaient servis à définitivement dessiner l’ouest américain. Son mythe existe justement pour ceci : un destin coîncidant avec la définition du territoire US, enfin limité par la fin de la conquête de l’ouest et de la guerre de sécession. La figure de James contient en elle l’idée moderne du Western, ce repli sur soi-même, contrainte par les limites qu’on ne plus franchir à part celles de l’intérieur. Énergie qui enfle, prête à imploser comme l’Amérique toute entière en proie aux violences contenues (guerre de sécession, gang, règlement de compte, mercenaires, remises en causes des valeurs).
Cependant, ce film fait plutôt état de l’irrévocabilité d’une époque dans la figure de Jesse James. Le mythe du western englouti avec la mort de cette icône, représentant archaîque de la violente liberté fondatrice aux États-Unis. Pas de grands enjeux esthético-théoriques ici ; l’assassinat de Jesse James arbore une forme classique, celle d’un conte raconté au coin du feu. Mais, elle se prête cruellement bien au film : les aventures de Jesse James furent exploitées, narrées, enjolivées à l’époque d’une existence toujours dérobée. C.’est la naissance du mythe quotidien médiatique. Mais le réalisateur Andrew Dominik impose un narrateur impitoyable : il annonce les faits avant que ceux-ci puissent apparaître à l’écran. Narration morte-née qui défie les enjeux de l’histoire, celle de Jesse James, pour se concentrer exclusivement sur la grande puissance esthétique du film : paradoxalement »sa lenteur posée, presque photographique.
Plus précisément, la malléabilité du temps et de l’espace enclins aux distorsions variables. En effet, Dominik allonge le film sur la longueur, de manière superficielle penseront certains, dilatant les scènes sans enjeu dramatique dans le seul but de tordre la matière-temps, étirer la durée jusqu’à ce que les secondes se perçoivent encore plus longues. D.’un autre coté, il intègre de nombreux plans en accélérés comme ces nuages défilant sur nos héros épuisés (proche de G. Van Sant, ou Wong Kar Waî). Également, Andrew Dominik déforme les espaces en intercalant de nombreuses vitres au verre ondulé, comme de multiples filtres se jouant de la perception. L’espace-temps s’entortille tellement autour du bandit (joué par un très bon Brad Pitt), qu’il en devient le centre gravitationnel intense, ce trou noir énigmatique qui précipite, dans sa chute, le tissu temporel et spatial de ce qui l’entoure. Eclipse d’un mythe, d’une époque.
Et, c’est ce lâche Robert Ford qui va le suivre au plus près, dans ce mouvement serpentant sur les vagues de verre. La présence vampirique de Casey Affleck (Ford) absorbe l’aura endeuillée de ce croque-mitaine de James traversant les plaines enneigées, la tête enfouie dans ses fourrures de bêtes sacrifiées. Offrandes préparatoires. Jesse James, rôdeur anorexique, tue petit à petit ses anciens compagnons auxquels il accorde une dernière promenade macabre en forme de calvaire. Mais, le lâche aura raison de lui, quand bien même sa gloire tant espérée n’aura qu’une reconnaissance ingrate en guise de récompense.
Magnifique film à la photographie veineuse – bien aidé par le travail sensible de Roger Deakins (directeur de la photo : Shyamalan,les frères Coen…) – l’assassinat de Jesse James s’inscrit dans cette belle lignée de westerns sporadiques qui surviennent sur la pointe des santiags (Impitoyable, Open range, Brokeback Mountain…) et confirme la richesse essentielle, l’inépuisement relatif de ce genre.
Maxime Cazin
Western américain de Andrew Dominik – 2 h 40 – Sortie le 10 octobre 2007
Avec Brad Pitt, Casey Affleck, Sam Shepard
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le site du film
La bande annonce du film :
…et dire que j’ai failli ne pas voir ce film arrivé bien tard sur les écrans spinaliens ! Une merveille ! La mise en scène de Andrew Dominik est splendide, les décors, les acteurs, la narration lente, tout en tension… tout est parfait dans ce film ! Et la musique… sombre et profonde signée Nick Cave et Warren Ellis. Bref, un des grands films de 2007.
…et dire que j’ai failli ne pas voir ce film arrivé bien tard sur les écrans spinaliens ! Une merveille ! La mise en scène de Andrew Dominik est splendide, les décors, les acteurs, la narration lente, tout en tension… tout est parfait dans ce film ! Et la musique… sombre et profonde signée Nick Cave et Warren Ellis. Bref, un des grands films de 2007.
…et dire que j’ai failli ne pas voir ce film arrivé bien tard sur les écrans spinaliens ! Une merveille ! La mise en scène de Andrew Dominik est splendide, les décors, les acteurs, la narration lente, tout en tension… tout est parfait dans ce film ! Et la musique… sombre et profonde signée Nick Cave et Warren Ellis. Bref, un des grands films de 2007.
Oué, c’est vrai, c’est un film qui s’insinue au creux de nous même, lentement, comme sa narration. L’autre jour, on m’a demandé quel film m’avait marqué cette année…c’est bien le premier dont j’ai parlé. Un film à part, un peu perdu …un western avec une distribution de blockbusters, une longueur suicidaire pour un film hollywoodien, c’est vraiment un beau pari! je me rappelle encore lors de la séance que pas mal de personnes ont quitté la salle ennuyé de sa lenteur (qui en fait tout son charme).
Oué, c’est vrai, c’est un film qui s’insinue au creux de nous même, lentement, comme sa narration. L’autre jour, on m’a demandé quel film m’avait marqué cette année…c’est bien le premier dont j’ai parlé. Un film à part, un peu perdu …un western avec une distribution de blockbusters, une longueur suicidaire pour un film hollywoodien, c’est vraiment un beau pari! je me rappelle encore lors de la séance que pas mal de personnes ont quitté la salle ennuyé de sa lenteur (qui en fait tout son charme).
Oué, c’est vrai, c’est un film qui s’insinue au creux de nous même, lentement, comme sa narration. L’autre jour, on m’a demandé quel film m’avait marqué cette année…c’est bien le premier dont j’ai parlé. Un film à part, un peu perdu …un western avec une distribution de blockbusters, une longueur suicidaire pour un film hollywoodien, c’est vraiment un beau pari! je me rappelle encore lors de la séance que pas mal de personnes ont quitté la salle ennuyé de sa lenteur (qui en fait tout son charme).