Le très prolifique Kim Ki-duk, un des fleurons de la nouvelle mouvance du cinéma sud-coréen aux côtés de Hong Sangsoo et de Bong Joon-ho, nous revient avec un nouveau mélo dans lequel s’exprime toute une palette de sentiments, allant de la jalousie à la compassion, de l’espoir à la passion.
Souffle suit les dernières heures de Jang Jin, un détenu condamné à mort pour l’assassinat de sa femme et de ses deux enfants. Totalement mutique, il tente de mettre régulièrement fin à ses jours. Son désespoir muet touche Yeon, une sculptrice. Elle se rend à la prison et entreprend de redonner espoir à Jang Jin, ce à quoi son mari volage, percevant la lubie de sa femme comme une vengeance, tente de s’opposer et de mettre un terme.
Les sentiments qui animent le prisonnier et son étrange visiteuse ne sont pas directement explicités : compassion, quête d’ailleurs pour l’une, espoir et dérivatif pour l’autre, on ne sait. On assiste à la transformation de deux êtres : Yeon, visage fermé et attitude de repli, métamorphose le parloir – murs tendus de posters représentant à chaque visite une saison différente – en scène de music-hall où elle massacre des comptines espiègles tandis que Jang Jin, d’abord interloqué, retrouve le sourire et prend de plus en plus de plaisir à voir Yeon.
Souffle est un film qui superpose les regards : celui du directeur de la prison qui donne son accord pour ces rendez-vous ubuesques, celui du mari de Yeon, homme fade de plus en plus rongé par la culpabilité, celui du détenu qui cajole et protège Jang-Jin.
Comme souvent chez le réalisateur de Locataires, les mots sont rares. La communication et l’émotion passent par les gestes et le regard. Dans l’enceinte de la prison, Yeon accélère le passage du temps en faisant succéder les saisons mais même à l’extérieur l’hiver finit par poindre. Influencé par la peinture, le cinéma de Kim Ki-duk puise toute sa force dans la place laissée au détail : une chemise blanche qui s’envole est une première fois jetée à la poubelle par Yeon, puis récupérée au deuxième envol, signe imperceptible d’une sérénité recouvrée pour la jeune femme.
Un joli petit film bouleversant sans pathos qui s’inscrit logiquement dans l’oeuvre de Kim Ki-duk.
Patrick Braganti
Souffle
Film sud-coréen de Kim Ki-duk
Genre : Drame
Durée : 1h24
Sortie : 21 Novembre 2007
Avec Chang Chen, Jung-woo Ha, Ji-a Park