Un baiser s’il vous plaît

unbaiser.jpgLes amours de Mouret nous passionnent, autant que lui même d’ailleurs. Pour un baiser (s’il vous plait!), le cinéaste issu de la FEMIS déploie à  nouveau sa languide carcasse devant la frimousse, pantoise, de Virginie Ledoyen. Ou comment les meilleurs amis du monde se découvrent un jour, amoureux et irrésistiblement attiré. Dirigé par le talent tragi-comique d’Emmanuel Mouret, un baiser s’il vous plait, est une comédie éthérée, qui nous chatouille subtilement par le souffle burlesque qui la fait vivre.

Avant les marivaudages des deux complices, il y a Emilie (J. Gayet) et Gabriel (M. Cohen) qui se croisent à  Nantes, se séduisent puis se confient. Mais, au moment du doux baiser, Emilie se retient en pensant à  Nicolas (E. Mouret) et Judith (V. Ledoyen). Juste un baiser a suffit à  transformer leur relation. Le film bascule dans l’histoire contée. Ainsi, la trame narrative se construit sur ces allers retours entre ces deux couples, entre la réalité nantaise, et la mémoire déroulée de Julie dans ce qu’elle a de plus volatile : imagination? Véracité des faits?

Qu’importe…! Le réalisateur, originaire de Marseille, s’en dédouane par cet art précieux du décalage qui transforme sa fraîche bluette en spectacle de maladresses amoureuses, à  la fois fin et attendrissant, digne des farces corporelles de Tati autant que des bavardages sagaces de Woody Allen. Comme eux deux, Emmanuel Mouret impose son personnage éberlué au beau milieu des quiproquos, dans un univers qui dessine le cadre comme une scène de théâtre. Les nombreux surcadrages viennent figer les décors comme des arrières plans remplaçables. Devant nos yeux, Nicolas passe d’un plan frontale à  l’autre, d’un cadre à  l’autre avec cette même posture béate si bien que le décor derrière lui semble être un nouveau tableau qui a glissé sur l’ancien. Comme un mécanisme de fond de scène, qui entre deux actes, dérouille l’engrenage du changement. De même, nos séducteurs Emilie et Gabriel apparaissent sur un nouveau décor, à  chaque fois que la caméra retrouve la jolie conteuse et le nantais qui lui fait la cour. Par ce décalage entre personnages et décors, se crée la mise en abîme d’un film qui raconte une histoire racontée. Là  est l’enjeu esthétique du film.

Nous sommes bien dans la fiction : se raconter des histoires, dit-on volontiers quand nous faisons face à  des sentiments auxquels -au mieux- on ne veut pas croire; -au pire- on veut échapper. Julie se raconte une histoire à  Michael, si l’on peut dire…, afin de se protéger de cette puissante attirance. Quant à  Nicolas et Judith, il ne comprennent pas ce soudain désir, ne veulent pas y croire. Difficile de remettre en question sa capacité à  juger des sentiments amicaux établis depuis tant d’années. Avec une aisance burlesque fascinante, Emmanuel Mouret manipule ce décalage entre ce corps parfois désirant, parfois mécanique et le rationalisme flegmatique des acteurs. Il marrie ainsi la complicité affective des amis de toujours, à  la maladresse des premières rencontres amoureuses, dans ces scènes où le corps se risque au ridicule. Pas de regard moqueur, ces petites tâches honteuses se partagent avec l’ordinaire du spectateur.

Après changement d’adresse, Un baiser s’il vous plait confirme le talent d’un cinéaste français qui ose affronter la romance et le burlesque. Et, inscrivant sa mine ébahie sur ces films, Emmanuel Mouret se fond entièrement dans son oeuvre et lui donne un caractère unique. Il se pourrait qu’on soit ravie et impatient de revoir sa bouille marquer l’écran.

 

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Maxime Cazin

Un baiser s’il vous plaît
Film français de Emmanuel Mouret
Genre : Comédie Dramatique, Romance
Durée : 1h40
Sortie : 12 décembre 2007
Avec Emmanuel Mouret, Virginie Ledoyen, Julie Gayet

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la bande annonce :

Un baiser s’il vous plaît – Bande-annonce 1 – Français – Jubii TV