« funambule : nom masculin, Acrobate marchant ou dansant sur une corde raide » (article de dictionnaire).
Belle définition pour décrire Louise, l’héroîne de ce roman lui aussi tendu et fragile. Louise est une femme passionnée, exaltée, sensible et extravagante, timide et angoissée, peu assurée mais volontaire, constamment hésitante, constamment dans la remise en question d’elle-même. Toujours en équilibre, donc. Une artiste prête à s’effondrer à tout moment, pour une phrase contrariée, pour une situation incompréhensible, pour une passion non partagée, pour des rencontres inabouties »Louise est une écorchée vive, une brindille de femme qui marche sur un mince fil, au gré des hommes, au gré des situations tout en essayant de ne jamais chuter »
Pour étudier avec minutie ce portrait passionnant de femme moderne et complexe, il fallait oser une écriture épileptique et très contemporaine, ou bien une écriture très sobre, une écriture presque d’analyste des sentiments, une écriture à la fois fluide et neutre. C.’est cette dernière qu’a choisi Florence Pouzet pour son premier roman. Et bien lui en a pris. Ecrite à la troisième personne, comme pour souligner le détachement pris vis-à -vis de son héroîne, cette histoire se révèle passionnante, même si les premiers chapitres peinent à décoller, l’auteur ayant tendance à systématiquement se faire interroger Louise sur le pourquoi et le comment des situations qu’elle engendre et ses conséquences.
Mais, peu à peu, le lecteur devient de plus en curieux quant à ce que va devenir cette funambule : éprise d’un Charles qui n’est pas vraiment son type de mec idéal ; désirée par d’autres hommes, comme Vincent, un ex dont elle ne peut ni ne veut se défaire, Louise ne sait plus que faire, cherche des réponses auprès de ses amies qui n’en ont pas, s’interroge tout le temps, tente aussi de renouer avec son passé, son père qui l’a abandonné pour l’inconnu, sa mère avec qui elle n’a plus de relation »
Tout le petit monde gravitant autour de Louise va finalement se resserrer, comme un étau, sur cette fragile personne, et c’est ce lent processus qui devient le véritable enjeu du livre, ainsi que sa réussite. Au cours de ce récit faussement serein et progressivement étouffant, l’écriture devient polyphonique, Louise n’est plus au centre de l’ouvrage, les points de vue éclatent, on retrouve le première personne du singulier, le lecteur devient le » je » Florence Pouzet nous force à pénétrer son personnage qui jusque-là nous était heureusement neutre. Pris au piège, le lecteur participe à la spirale mentale infernale que se créée Louise, et s’engouffre avec elle dans son impasse sentimentale. La fin, brillante, nous porte l’estocade finale.
Sans avoir l’air d’y toucher, Florence Pouzet maîtrise parfaitement sa funambule, qui pourtant est le genre de femme que l’on peut rencontrer assez souvent dans la littérature. Mais sans pathos ni emphase, avec une belle aisance dans la manière d’imbriquer les situations originales, elle réussit un très beau portrait doux-amer sur ceux qui, de trop vouloir aimer, finissent par ne plus être.
Jean-François Lahorgue
La Funambule
de Florence Pouzet
Editeur : The Book Edition
322 pages – 17 €¬ environ