2008 sera marquée par la sortie de nombreux films américains sur le conflit en Irak. Ce qui, du reste, prouve la capacité des cinéastes d’outre-Atlantique – mais aussi des écrivains – à s’emparer de la plus récente et de la plus tragique actualité, y compris lorsque celle-ci sape la réputation de la première puissance mondiale.
Après Paul Haggis et Robert Redford et en attendant d’accompagner Brian De Palma dans son voyage au bout de l’enfer, c’est Nick Broomfield, jusqu’à présent cantonné dans la réalisation de documentaires sur les destinées tragiques de gloires du rock (Kurt Cobain) ou du hip-hop (Tupac Shakur et Biggie Smalls) , qui livre sa version d’un épisode sanglant de la guerre dans laquelle son pays, la Grande-Bretagne, est aussi embourbé depuis avril 2003.
Battle For Haditha est donc le récit de la tuerie d’Haditha, ville carrefour située sur l’Euphrate, entre Bagdad et la frontière syrienne, contrôlée par la rébellion et placée sous le joug autoritaire d’un régime proche des Talibans. Le 19 novembre 2005, un convoi de Marines en mission d’approvisionnement de nourriture est pris pour cible dans un attentat qui cause la mort d’un des GI et en blesse deux autres. En représailles, les soldats attaquent sauvagement les habitants du quartier, faisant 24 morts dans la population civile, aussi bien des hommes, des femmes que des enfants.
On n’efface pas d’un trait un passé de documentariste à la première fiction tournée. Ainsi, et c’est son grand atout, Battle For Haditha est une impressionnante fiction documentée dont un panneau initial nous informe d’emblée de l’issue. Point de mystère sur les événements à venir et l’engrenage de violence destructrice et aveugle qu’ils génèrent. En retraçant avec minutie les heures qui précédent l’attentat, en mettant en parallèle les faits et gestes des trois groupes de personnes impactés par le massacre en préparation, Nick Broomfield insuffle une tension croissante, décuplée par la proximité qu’il installe avec les différents protagonistes.
Même vu à travers le prisme de l’armée américaine, Battle For Haditha – et c’est là sa seconde force – privilégie le facteur humain que les informations multiples semblent toujours négliger, sinon nier. Le film met donc en présence les trois composantes d’un même enjeu qui les dépasse largement, les réduisant chacune à leur manière au rang de victimes. Car il ne faut pas perdre de vue que ce conflit est d’abord une guerre des pauvres contre les pauvres : le corps des Marines est constitué de types médiocres, issus de groupes ethniques minoritaires, à qui on a fait miroiter des jours meilleurs, les insurgés sont les marionnettes du mouvement terroriste à qui on promet un paradis éternel et enfin les civils, pris entre deux options inconciliables : dénoncer ou se taire, tentent de survivre et de défendre leur intégrité.
La route d’Haditha et les maisons qui la bordent deviennent la scène universelle de l’absurdité de la guerre. Grâce à l’interprétation criante de justesse nourrie au vécu de tous les participants (Irakiens exilés en Jordanie et ex-Marines), Battle For Haditha est une plongée éprouvante et intelligente au coeur d’un conflit dont, nous occidentaux perfusés à l’info continue, nous apercevons combien nous n’y comprenons pas grand-chose.
Patrick Braganti
Battle For Haditha
Film britannique de Nick Broomfield
Genre : Drame
Durée : 1h33
Sortie : 30 Janvier 2008
Avec Elliot Ruiz, Yasmine Hanani, Andrew McLaren
La bande annonce :