D.’emblée, l’ambiance, l’atmosphère enneigée et ouatée du roman de John Burnside ne quitteront jamais les pages. l’Ecosse des légendes ancestrales, l’Ecosse balayée par les vents et les croyances, l’Ecosse des cartes postales, mystérieuse et détentrice de secrets faussement enfouis, cette Ecosse belle et fantasmée, c’est le personnage principal.
Une terre que foule le Diable, dont les pas sur la neige, d’après une vieille histoire ressassée par les anciens, reste l’ultime preuve de son passage non loin de Coldhaven, où vécut Michael. Ses parents s’y sont installés un beau jour, fuyant la foule de la ville et les rumeurs inexpliquées, et il a grandi auprès d’eux, de Mrs K., femme de ménage qui connaît tout sur tout le monde, ainsi que de son premier amour Moira, dont le frère violent et torturé connut une fin tragique dans son adolescence. Si Michael revient à Coldhaven, dans ce petit port du bout du monde, c’est que le diable est revenu, ce diable qui agit comme une épée de Damoclès sur ce village maudit, et il s’est probablement incarné en cette mère qui a tué ses deux fils dans un accident de voiture, avant de se donner elle-même la mort, tout en épargnant sa fille. Et cette mère s’appelle Moira.
Pour Michael, ce ne peut être le hasard : il part sur les traces de ce tragique fait, et ainsi laisse ressurgir en son for intérieur des secrets longtemps dissimulés, mais il retrouve également d’anciennes connaissances disparues, fait de nouvelles rencontres, comme la fille de Moira, peut-être sa propre fille, nul ne le sait »et c’est cette bouleversante retrouvaille qui va précipiter un final redouté, fatal, irréversible.
Poésie, mythologie, roman noir et quête philosophique : c’est en brassant les genres avec maîtrise et préciosité que Burnside convoque avec brio les grands romanciers anglophones du 19ème siècle. Mêlant les structures des contes oraux d’autrefois avec les codes des romans contemporains, les histoires intimistes comme les fresques épiques, il s’attache surtout à interroger constamment le lecteur, tout en lui donnant l’illusion d’un éclaircissement aux nombreux mystères qui jalonnent le parcours de Michael.
De fait, le lecteur est plongé dans une ambiance cotonneuse qui ne le lâchera qu’après avoir refermé le livre, et qui risque même de se prolonger encore longtemps. Car, comme dans les grands contes traditionnels, c’est avec ces réflexions sur notre propre existence, ces points d’interrogations égrenés dans » les empreintes du diable » que naît la beauté de ce roman, qui semble constamment nous échapper tout en demeurant indispensable.
Jean-François Lahorgue
Les empreintes du diable
Auteur : John Burnside
Titre original : The Devil’s footprints
Traduction : Catherine Richard
Editeur : Métailié
218 pages – 18.00 €¬
Parution : janvier 2008