Le lieu, y compris son nom, a ici une extrême importance : Beaufort est une ancienne forteresse juchée sur une colline, située dans le sud du Liban à quelques kilomètres de la frontière nord d’Israël qui y maintient un avant-poste symbolique. Adapté du premier roman d’un jeune journaliste israélien Ron Leshem, Beaufort est un huis-clos articulé autour d’une petite garnison commandée par Liraz Liberti, jeune soldat de vingt-deux ans tiraillé entre son sens du devoir et les tensions croissantes au sein de la troupe.
La vie s’écoule lentement, rythmée par les tours de garde et ponctuée par les attaques d’un ennemi qui restera constamment invisible, accompagnées de la même annonce répétée deux fois : obus, obus et impact, impact. La première partie de Beaufort est marquée par l’arrivée d’un artificier chargé de désamorcer un engin suspect repéré au bord de la route. L’échec tragique de la tentative enferme un peu plus les soldats dans leur isolement.
Dans Beaufort, il n’est jamais question de victoire ou de défaite, mais de montrer la peur sourde qui étreint chaque jourd davantage ces jeunes hommes à l’approche d’une libération toujours hypothètique.
On pourra regretter que le réalisateur Joseph Cedar joue parfois l’émotion facile en focalisant son objectif sur un soldat qui sera violemment tué dans la scène suivante. C’est surajouter à la tension et à la puissance émotionnelle que le film contient par essence, notamment grâce au jeu impeccable de ses jeunes interprètes. Néanmoins, Beaufort offre des moments très poignants comme cette scène, où après la mort d’un de ses condisciples, un militaire se met à chanter et à jouer sur un clavier.
Bien qu’il relate des faits réels – Beaufort construction du XIIème siècle a été aux mains de Tsahal de 1982 à 2000 et dynamitée au moment de l’évacuation – le film anti-guerre de Joseph Cedar prétend à une portée universelle, dénonçant les absurdités de luttes inutiles et l’aveuglement des puissants. Paradoxalement, c’est aussi sa limite car il ne rend pas clairement compte des particularismes du conflit qui oppose Israël à ses voisins.
Si le livre de Ron Leshem est un recueil de voix singulières, le film ne parvient pas à pénétrer les états d’âme des soldats. Malgré une mise en scène efficace – les couloirs labyrinthiques des sous-sols constituent d’excellents décors – Beaufort peine à renouveler le genre et n’évite pas quelques longueurs.
Patrick Braganti
Beaufort
Film isréalien de Joseph Cedar
Genre : Drame
Durée : 2h00
Sortie : 26 mars 2008
Avec Oshri Cohen, Alon Aboutboul, Itay Tiran, Eli Eltonyo
Plus+ :
http://www.beaufort-lefilm.com/