La persévérance finit toujours par payer : c’est la leçon à tirer du dernier film de Amos Gitaî. En effet le spectateur devra lutter longtemps avec une furieuse envie de quitter la salle avant de vivre quelques moments plus heureux face à Désengagement. Pourtant ça démarre très fort sous les chapeaux de roue…ou plus exactement sous les boggies d’un train reliant l’Italie à Avignon. Un préambule en forme de rencontre entre la palestinienne Hiam et le soldat israélien Uli contient l’ensemble du film qui s’articule sur la difficulté à vivre ensemble et à passer outre les frontières et les vicissitudes d’une histoire qui s’emballe et dépasse ses acteurs.
Nous retrouvons ensuite Uli venu rejoindre sa demi-soeur Ana pour l’enterrement de leur père. Cette première partie avignonnaise, qui véhicule pas mal de clichés sur la France, est absolument irritante tant le personnage fantasque de Ana – jouée par une Juliette Binoche manifestement en roue libre – et les différentes afféteries de la mise en scène provoquent l’agacement. De la présence incongrue de la cantatrice Barbara Hendricks psalmodiant près du défunt aux tentatives puériles – et somme toutes déplacées – de séduction de Uli par Ana, tout sonne faux et rend le personnage de Ana totalement incompréhensible dans ses errements et ses motivations.
Parmi les clauses du testament, Ana apprend qu’une partie des biens de son père sera léguée à sa propre fille qu’elle a abandonnée dans un kibboutz à sa naissance vingt ans plus tôt.
En cet été 2005, Israël démarre le processus de retrait des colons dans la bande de Gaza. Parce qu’il est un soldat réquisitionné pour les opérations et parce qu’elle veut renouer avec sa fille, Uli et Ana quittent le pays pour Gaza.
La seconde partie de Désengagement s’avère bien plus convaincante et offre même quelques instants fulgurants : le passage au check-point, l’affrontement entre les soldats isréaliens, dûment préparés à cette éventualité, et leurs compatriotes colons et bien sûr les retrouvailles entre Ana et sa fille. Dans cette scène suspendue, on apprécie les mouvements enrobants d’une caméra pudique tenue à juste distance et la quasi suppression de tous sons qui la plongent dans une sorte d’irréalité ouatée.
Amos Gitaî ne perd cependant pas de vue son objectif de montrer une fois encore l’imbroglio inextricable de la société israélienne. Grâce à son traitement précis et documentaire, Désengagement nous aide à mieux percevoir une partie des contradictions qui déchirent la région.
On regrette donc d’autant plus que le réalisateur de Kedma n’ait pas mieux équilibré son film, en réduisant davantage une mise en place des protagonistes à la fois interminable et inintéressante.
Patrick Braganti
Désengagement
Film israélien de Amos Gitaî
Genre : Drame
Durée : 1h55
Sortie : 9 Avril 2008
Avec Juliette Binoche, Liron Levo, Jeanne Moreau, Hiam Abbass
La bande-annonce :