Teeth

aff film_11.jpgQu’est-ce que le sexe? C’est le seul moment plat ou plein où l’on ne crée pas, sauf finalité de pro-création. Et chez Dawn, c’est aussi un moment de destruction, un moment qui ne s’achève non pas dans la plénitude sensorielle, mais dans un désastre sanglant et mortel. Car Dawn est dotée d’un vagin denté.
En réponse aux valeurs morales qu’elle défend au début (abstinence sexuelle jusqu’au mariage, invitant même à  un tabou du maillot de bain), la belle, si parfaite et lissée, se retrouve agressée par un faux prince charmant qui, bien loin de la désirer chastement comme il le prétend, avoue dans un geste de violence abusive qu’il ne s’est pas masturbé depuis le printemps. Première scène tant attendue du film, ce dépucelage si souvent vu dans le cinéma américain prend un tournant comique efficace, gore, et révèle le ‘pouvoir’ de Dawn. Et c’est là  que, d’abord horrifiée, elle se métamorphose en un monstre. Pas au sens propre bien sûr, mais peu à  peu, le personnage devient dangereux, redoutable, tout-puissant puisqu’il domine les points sensibles et naturalise la répulsion que suscite la castration masculine. Tout à  fait à  reculons de ses pensées premières, de son attitude hautement puritaine, et bien au-delà  de son apparence, Dawn devient une ‘sex-killer’ aussi charmante à  l’extérieur que redoutable à  l’intérieur, et dans les deux sens du terme.

Si l’on regrettera franchement le manque d’audace dans la mise en image de cette fable sur le pouvoir féminin, on savourera l’exactitude d’un scénario aux saveurs irrémédiablement jouissives. Si le film frôle parfois le graveleux, tout du moins dans une scène à  la limite justifiable, ou du moins justifiable à  la simple échelle du scénario qui la soutient – celle de l’inceste – , il en résulte tout de même une vision intelligente et sans-gêne du sexe, abordé avec consensualité esthétiquement, mais au message clair et frontal.

En verrouillant son film de quelques gros symboles de sécurité (l’arbre, la grotte, et bien sûr dès le premier plan les grands silos qui s’enfument d’un noir de plus en plus frappant au fur et à  mesure que le film avance), le réalisateur assure un film qui, de par l’originalité de son thème, suscitera forcément le plaisir, et livre une oeuvre d’apparences, dans lequel l’héroîne (Jess Weixler, très bien), telle un ange (le plan de nu devant le miroir, dans une position quasiment biblique, joue le trompe-l’oeil), se mue en une justicière anti-machisme, faisant l’amour pour lutter contre, adoptant des règles morales qui ne deviennent plus que les siennes. Alors voilà , est-ce ça le sexe? Le pouvoir de faire pour ne pas faire? Le pouvoir de jouir sexuellement pour jouir de l’acte meurtrier? Le parallèle évoqué peut paraître un brin provocateur, et le cinéaste l’assume jusqu’au bout. Ce n’est donc pas la plénitude qui domine de l’acte sexuel dans ce film carnassier, mais simplement le plaisir de détruire chair et vie, et de prouver à  sa manière que non, le sexe est un moment où l’on ne crée pas : c’est un moment où nous sommes faibles.

Jean-Baptiste Doulcet

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Teeth
Film américain de Mitchell Lichtenstein
Genre : Comédie, épouvante
Durée : 1h36
Sortie : 7 Mai 2008
Interdit aux moins de 12 ans
Avec Jess Weixler, Hale Appleman, Josh Pais

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