Malgré l’évacuation du pays par Israël en 2000 puis le retrait en 2005 des troupes syriennes, le Liban n’en avait pas terminé avec la guerre. Dix ans après 1996 où l’état hébreu lança de sanglantes représailles à la suite de tirs de roquettes du Hezbollah, le pays du Cèdre connut à nouveau 33 jours de conflits dont les premières victimes demeurent encore et toujours les civils qui en subissent directement les conséquences. Documentariste de renom, ayant déjà réalisé plus de quarante films sur la guerre, Philippe Aractingi a choisi de dépasser les limites inhérentes du documentaire et d’avoir recours à la fiction pour traiter des événements de l’été 2006.
Zeina arrive à Beyrouth le jour même où un cessez-le-feu est instauré et met fin au mois de bombardements intensifs que le sud du Liban a essuyés. Elle n’a aucune nouvelle de son fils Karim qu’elle avait envoyée en vacances chez sa soeur dans le sud. Seul Tony, un chauffeur de taxi, accepte de la conduire dans cette zone réputée dangereuse. Originaires de la même région, marqués par des tragédies parallèles, leur confession religieuse les différencie néanmoins : Zeina est chiite et s’incarne à travers elle le radicalisme du Hezbollah, alors que Tony, chrétien, est un membre de la communauté qui a par le passé coopéré avec Israël. Tout devrait les séparer, mais la quête de l’enfant perdu tisse entre eux une solidarité souterraine, avivée par les scènes de destruction et de mort qu’ils traversent.
Même s’il revendique avoir fait oeuvre de fiction, Philippe Aractingi se coltine avec la réalité la plus brute – ici, pas d’artifice de reconstitution. Le tournage commencé en plein conflit sous les bombes s’est ensuite poursuivi après le cessez-le-feu. L’ensemble des images enregistrées dans la peur et le danger conduit le réalisateur et son scénariste Michel Léviant à élaborer un scénario qui les prennent en compte tout en y adjoignant une trame fictionnelle. Sous les bombes révèle petit à petit les blessures des deux personnages : Zeina en pleine séparation est rongée par la culpabilité d’avoir laissé son fils; Tony, qui semble d’abord un homme vénal profitant de la détresse d’une femme folle d’inquiètude, rêve de partir en Allemagne avec son jeune frère Joseph, voyage de plus en plus hypothètique car Joseph se trouve en Israël et Tony ne parvient pas à obtenir de passeport.
Un copain de Karim, âgé de onze ans, raconte qu’il a déjà connu deux guerres. Zeina se lamente de n’avoir connu que des guerres, rejette farouchement la dernière, renvoie dos à dos chrétiens et musulmans, uniquement préoccupée par la recherche de son fils.
Né d’un sentiment de colère et de totale impuissance, Sous les bombes s’efforce de ne pas prendre parti pour un camp ou pour un autre, se plaçant délibérément du côté des victimes. Cette espèce de road-movie à l’est de Tyr traverse les magnifiques montagnes libanaises et dévoile un paysage de chaos et de ruines. Sous les bombes qui réussit à préserver l’équilibre entre témoignage et fiction est un film fort et poignant, notamment aussi par l’interprétation de ses deux acteurs principaux : Nada Abou Farhat et George Khabbaz, ravagés par la souffrance et les drames.
Patrick Braganti
Sous les bombes
Film franco-libanais de Philippe Aractingi
Genre : Drame
Durée : 1h38
Sortie : 14 Mai 2008
Avec Nada Abou Farhat, George Khabbaz, Bshara Atallay
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