Dès sa plus tendre enfance qu’elle passe en France, Sofia révèle une nature énergique et volontaire. Elève douée qui file un coup de main à sa copine Elodie, Sofia désigne le pays de ses grands-parents, le Maroc, comme l’ailleurs exotique, pas celui de sa naissance et encore moins de sa culture. Lorsque son père en proie à des soucis financiers et au mal du pays décide de repartir, le choc est immense pour la petite fille.
Dix ans plus tard, Sofia n’a rien perdu de sa fougue et travaille d’arrache-pied pour obtenir ses diplômes qui doivent lui permettre de rentrer en France. Du moins si l’on veut bien croire les promesses murmurées du bout des lèvres par son père. Un projet que désapprouvent sa mère et sa soeur aînée. Malgré leur nationalité française, les deux femmes considèrent que leur véritable pays est le Maroc où elles sont acceptées et intégrées, ce qui d’après elles, ne serait sans doute pas le cas sur l’autre rive de la Méditerranée.
Le premier long-métrage de Souad-El-Bouhati pose la question des origines et de l’identité. De quoi sommes-nous composés et qu’est-ce-qui constitue réellement notre identité ? En voulant de manière obsessionnelle regagner le pays où elle est née, Sofia court d’abord après son enfance, ces années fantasmées dont il ne reste souvent que des souvenirs épars et confus que le temps passé termine d’enjoliver. D’ailleurs, elle est la première à demander à son père de lui raconter…là -bas. Car pour elle, ici, dans les terres arides du nord marocain, au milieu de la plantation d’oliviers dont elle s’occupe avec son père, c’est insoutenable, la mort assurée si elle persiste à rester. Pourtant la vie de l’adolescente dépeinte par la réalisatrice n’a rien d’un enfer : avec ses copines, son petit copain Amar, le cyber-café local, elle mène une existence pas si éloignée que celle de milliers de lycéennes européennes.
Peut-être la révolte qui couve, le farouche désir d’indépendance proviennent-ils d’un déracinement soudain et brutal à un âge délicat. Sofia écartelée entre une culture qu’elle idéalise et pare de tous les bienfaits et un environnement familial et amical qu’elle juge coercitif est en quête d’un équilibre. Pour camper cette fille qui ne veut pas s’en laisser compter, Souad-El-Bouhati a fait appel à la révélation de La Graine et le Mulet : dans Française, Hafsia Herzi déploie la même énergie et confirme son talent à s’approprier et à modeler un personnage.
En dépit de quelques longueurs qui parsèment la partie marocaine – qui représente les deux tiers du film – Française fait preuve d’une belle générosité et nous entraîne dans une histoire, articulée autour de personnages touffus, qui évite subtilement tout manichéisme et tout pathos excessif. Baigné dans la lumière éclatante du Maghreb, Française accompagne son héroîne jusqu’à son envol, enfin apaisée et propose une vision, sinon novatrice, du moins touchante et équitable, de la question du tiraillement identitaire et culturel.
Patrick Braganti
Française
Film français, marocain de Souad-El-Bouhati
Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h24
Sortie : 28 Mai 2008
Avec Hafsia Herzi, Farida Khelfa, Maher Kamoun