Il s’agit d’une nouvelle édition de l’ouvrage de photographies publié par Hazan et l’agence Magnum en 1998. Si on peut supposer qu’en 2018, Hazan, flairant la bonne affaire, ressortira une version actualisée, cet ouvrage présente néanmoins un atout non négligeable si on la compare à la production pharaonique pour ne pas dire écoeurante liée au sujet : il replace 1968 dans une dimension mondiale lui conférant son statut d’année charnière dans l’histoire de l’humanité.
En 1968, le monde se divisait en trois : le camp occidental, le camp communiste et le tiers-monde avec leurs frontières physiques et idéologiques. Comme le relève Éric Hobsbawm dans sa préface, c’est le caractère soudain, inattendu et universel des événements qui va marquer l’année. l’offensive du Têt au Vietnam, les manifestations étudiantes au Japon, au Mexique, en France, le soulèvement du quartier noir de Watts aux USA, la révolution culturelle en Chine ou la guerre du Biafra, dans toutes ces manifestations se jouait l’avenir de notre monde dans la confrontation des espoirs des uns et de la peur des autres. Les photographes de Magnum étaient présents, aptes à saisir ce bouillonnement, ce déploiement d’énergie colossale que Marc Weitzmann décrit en introduction comme un » mélange d’élan optimiste et de voyage vers le suicide « .
Si de nouvelles utopies fraternelles voient le jour, les photographies, notamment de Barbey, Koudelka ou de McCullin, sont là pour nous rappeler l’extrême violence de l’époque. Le Peaceflower répond aux bombes de Napalm et la révolution sexuelle à la révolution culturelle de Mao. Les événements se répondent et se télescopent à travers les images mais aussi par la présence de courts textes, extraits de journaux, témoignages d’époque. Et ce dialogue constant qui se déroule au fil des pages nous rappelle que la finalité de ces images est bien et avant tout journalistique. Les photographies de Magnum montrent le vivant dans son contexte, la manière dont l’histoire est vécue par les femmes et les hommes, et ce qui se dégage de ce livre, comme le conclut Weitzmann, c’est le souvenir de cette » effarante confiance, de ce courage insurrectionnel qui permettait tout « .
Cédric Vigneault
68, Magnum dans le monde
Éric Hobsbawn et Marc Weitzmann
Éditeur : Hazan
Format 23 x 28
240 pages et 250 illustrations – 35€¬
Parution : Avril 2008