En 2001, Paria, de Nicolas Klotz, nous entraînait dans une bouleversante plongée au sein de l’univers des sans-abri, les dépossédés devant inventer jour après jour leur vie et nous procurait un des plus grands chocs de l’année. Malgré la persistance tenace de ce dysfonctionnement sociétal, rares sont les artistes à en rendre compte ou à savoir dépasser les lieux communs d’usage. C’est pourquoi faut-il saluer et défendre Versailles, premier film surprenant et attachant de Pierre Schoeller, scénariste jusqu’à présent.
Nina, jeune femme sans emploi ni attaches, au physique et à l’âme cabossés, erre avec son fils Enzo. Ballottés de foyer en chambre provisoire, ils dorment souvent dehors. Leur dérive les fait passer par Versailles où le parc impeccablement entretenu du Château devient pour eux une halte surréaliste dans une cohabitation du luxe suprême et de misère absolue. Traversant les bois proches pour rejoindre un hypothétique métro, ils croisent Damien, un homme retranché et solitaire. Un exclu plus ou moins volontaire de la société, sorte d’ermite refusant l’assistance et choisissant de se débrouiller seul. Lorsque Nina disparaît au petit matin, Damien bien malgré lui doit prendre en charge Enzo.
Versailles est un film déroutant qui oscille sans cesse entre le traitement quasi documentaire d’un sujet toujours présent : la pauvreté et l’exclusion et une fiction joliment poétique où un homme et un enfant vont s’apprivoiser et se sauver mutuellement. On retrouve cette ambivalence dans le rapport au temps qui traverse le film : à la fois ancré dans l’actualité – références directes au chômage et au dispositif RMI – et à la fois hors du temps, comme une recherche d’intemporalité. La situation du pauvre est la même depuis des siècles et seule change la façon dont elle est traitée par les autorités sociales, d’une réelle prise en charge à la stigmatisation, selon l’air du temps et le pouvoir politique en place.
Pendant longtemps, Versailles ne quitte pas le périmètre boisé et protecteur où Damien et Enzo se terrent, ainsi que d’autres exclus formant une étrange communauté réunie le soir autour d’un feu qui la réchauffe et l’éclaire. Un groupe d’individus broyés, qui pourtant parviennent à tisser une certaine solidarité à la mort de l’un d’entre eux. C’est cette partie où l’enfant crasseux devient sauvage qui est la plus singulière et la plus réussie. Guillaume Depardieu habite ce rôle par sa présence physique magnétique, son jeu épuré où la communication passe davantage par le regard et les gestes que par les mots, ce qui n’a rien d’étonnant pour quelqu’un passant des semaines complètes sans parler à quiconque. Pierre Schoeller n’a rien d’angélique : le chemin de Damien pour reprendre pied dans la réalité et offrir une chance à Enzo de s’en sortir est semé d’embûches.
Aussi, en quittant la forêt versaillaise et en réintégrant le monde de la ville, le film perd-t-il un peu de son originalité et de sa force. En même temps, cette transition permet de montrer la nostalgie d’Enzo pour la cabane, devenue un cocon inattendu pour un gosse sans repères. Le réalisateur croise ainsi le chemin de trois trajectoires dans un film se situant entre le conte et le documentaire, qui est aussi une formidable leçon d’espoir. Ou comment en portant attention à quelqu’un, en lui donnant sa chance, on finit par se sauver soi-même. Sans jamais grossir le trait ni afficher des intentions polémiques, Versailles frappe par sa justesse et la qualité de son écriture cinématographique.
Patrick Braganti
Versailles
Film français de Pierre Schoeller
Genre : Drame
Durée : 1h53
Sortie : 13 Août 2008
Avec Guillaume Depardieu, Aure Atika, Patrick Descamps, Max Baissette de Malglaive, Judith Chemla
La bande-annonce :
Un commentaire d(‘encouragement pour Patrick ! c’est un très jol design :) continuez ! je le mets dans me sfavoris ;) A+
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Un commentaire d(‘encouragement pour Patrick ! c’est un très jol design :) continuez ! je le mets dans me sfavoris ;) A+