Nul besoin d’avoir été adolescent dans les années 70 pour apprécier A Swedish Love Story, film suédois datant de « 1970 signé par Roy Andersson qui lui valut à l’époque succès public et reconnaissance critique, le consacrant comme un des artistes les plus doués de la génération émergente du cinéma national. A (re)découvrir presque quarante après l’histoire d’amour naissante entre deux adolescents insouciants Per et Annica, on se dit que cette renommée n’avait rien d’usurpé, rendant d’autant moins justifiable la disparition du réalisateur pendant un quart de siècle. Il a depuis renoué avec le cinéma en tournant Chansons du deuxième étage (2000) et Nous, les vivants (2007).
Deux évidences traversent le film : la beauté incandescente et innocente des deux comédiens qui interprètent Per et Annica, et l’atmosphère indolente et sensuelle qui s’en dégage. Ils ont tous les deux quinze ans tout au plus et font connaissance lors d’un buffet estival où se côtoient quelques familles. Regards timides et oeillades discrètes, copain et copine servant d’entremetteurs, la relation connaît quelques difficultés à se mettre en place. Les deux amoureux éprouvent d’ailleurs très vite les affres de la jalousie et de l’indifférence supposée de l’autre. Passées ces hésitations, les tourtereaux parviennent à se soustraire à la médiocrité du monde, notamment celui des adultes, pour vivre leur amour en toute plénitude. Car A Swedish Love Story ne peut en aucune façon se résumer à l’histoire d’une gentille bluette. En effet, Roy Andersson s’emploie pour une grande part à filmer la vie des adultes, surtout les parents. Et de ce côté-ci, c’est plutôt le royaume de la désillusion et du désenchantement. Toute une kyrielle de personnages empêtrés dans leurs problèmes professionnels et existentiels que Roy Andersson scrute au scalpel. De ces scènes, dont une à la fois cauchemardesque et cocasse au milieu de marais embrumés, Per et Annica sont généralement absents. Leur amour qui leur sert de carapace et de refuge ne dérange en rien l’entourage adulte : largesse d’esprit (cliché scandinave ?) ou indifférence, il n’est pas aisé de trancher.
Les sentiments qui submergent le spectateur sont contradictoires : d’une part un optimisme enchanté et juvénile face au rayonnement des deux adolescents, d’autre part une profonde mélancolie provoquée par la dépression qui entoure les adultes, par le sentiment d’éphémère dont est forcément empreinte l’histoire d’amour.
A Swedish Love Story constitue en fait le rayon de soleil de notre été cinématographique globalement décevant et très sombre. Le genre de film qui vous fait l’effet d’un bain de jouvence et vous donne illico l’envie de tomber amoureux. Sans doute y-a-t-il un soupçon de nostalgie qui plane, mais que de grâce et d’érotisme diffus, mais palpable, dans cette oeuvre miraculeuse, qui privilégie le naturalisme avec ses nombreuses scènes bucoliques et opte pour un regard plein d’humanité. Un pur bonheur et le couple le plus »cute » de l’année.
Patrick Braganti
A Swedish Love Story
Film suédois de Roy Andersson
Genre : Drame
Durée : 1h55
Sortie : 4 Juin 2008
Avec Ann-Sofie Kylin, Rolf Sohlman, Bjorn Andresen
La bande-annonce :