Ecriture fragmentée, références à l’histoire et à la culture autrichiennes, ironie du propos : le roman de Kofler a de quoi déconcerter jusqu’au lecteur le plus exigeant. Pénétrer l’univers obscur et raffiné de cet auteur qui se réclame de Thomas Bernhard n’est pas chose aisée. Et pourtant, sous le vernis de l’élégance narrative au service du pamphlet corrosif, se cache un livre intrigant.
Alors oui, Kofler a probablement beaucoup lu l’oeuvre bernhardienne dont l’influence se faufile sur toutes les pages, ces pages où le narrateur évoque des souvenirs personnels liés à des photos qu’il regarde. Des photos de son enfance et de son adolescence, éparpillées sur une table comme dans son cerveau, et qui font rejaillir autant d’anecdotes et d’événements de sa propre histoire et de l’Histoire d’un pays : cette Autriche contemporaine et en proie au doute, selon l’auteur. Une Autriche qui se cherche, en somme ; qui prend acte de son passé tout en se sentant menacée pour son futur. Un pays décomposé et recomposé, à l’image des souvenirs en parcelles, confus et rageurs, dont le narrateur fait étalage avec maestria mais de manière trop ardue, trop intellectualisée.
Certains passages sont impressionnants, notamment lors d’une pseudo enquête policière où le narrateur devient détective et s’embarque dans un délire paranoîaque au son des plus grandes compositions de musique classique, ou bien dans sa satire cynique sur la réunification de l’Allemagne et ses conséquences culturelles. Mais l’ensemble, volontairement hétérogène, ressemble parfois à une accumulation de citations et références culturelles, un essai de reconstitution d’une mémoire faillible, qui déroute et peut perdre le lecteur dès les premiers chapitres.
Kofler, pour imposer sa vision désabusée et cynique d’une Autriche en perte d’identité propre, attaque la face Nord. Bon courage à ceux qui peuvent le suivre, ils auront mérité une écriture virtuose que ceux qui ont abandonné l’aventure auront trouvé d’entrée trop vaine.
Jean-François Lahorgue
Automne-liberté, un nocturne
de Werner Kofler
traduction de Bernard Banoun
Éditions Absalon
125 pages ; 17 €¬
Parution : septembre 2008
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