Avec son chapeau noir de peintre impressionniste, avec une discographie inégale désormais proche de la double main, Beck est devenue une figure installée de la pop musique. Le plus dur pour le musicien aura sans doute été de l’admettre, car depuis Sea Change où le bonhomme démontrait sa qualité d’arrangeur et de repiqueur sans vergogne de la meilleure époque Gainsbourgienne, on avait un peu délaissé Beck Hansen sur une doublette d’album mous du genou, tandis qu’on attendait du zigue quelque génie, de la surprise et de l’émotion.
De la surprise, il y en a finalement assez peu au fil de ce nouvel album. Du génie non plus en fait ; Beck consolidant ici ses acquis et démontrant qu’il n’est pas que l’artiste qui passait du coq folk à l’âne funk musical d’un album à l’autre, passant par la Chanson, la tropicalia ou le grunge le reste du temps. De l’émotion par contre, il y en a quand même encore un certain lot au fil de modern guilt. Et si l’ensemble fait pourtant penser à un album de trentenaire installé dans un style et ses certitudes (l’urgence, la folie ont disparu – mais n’est-ce pas le lot du passage de la vie de jeune post ado à celle de l’installation dans l’âge adulte et familial ?-) il reste pourtant la capacité d’arrangeur de l’Américain quand il s’agit d’aller tirer les bons leviers ou d’assurer les bons appuis sonores pour soutenir une ligne directrice organisée au millimètre. l’efficacité, le talent technique remplaçant du coup le zeitgeist et le côté brûle-chandelles des albums d’avant sea change.
C.’est avec cette maestria de producteur que Beck jette un oeil dans son rétroviseur. Il en ramène pèle-mèle les différents éléments qui ont fait sa richesse musicale. l’efficacité à trouver le gimmick rock, la facilité à trouver le groove au détour d’un couple basse/ batterie, la capacité à sortir les tripes au service d’une six cordes, un brin de dandysme nouveau pour l’homme installé dans la reconnaissance publique, et un soupçon de morgue autosuffisante dans l’arrangement très / trop parfait, pour celui qui succèdera sans doute à Jarvis Cocker derrière les manettes du prochain opus de Charlotte Gainsbourg.
Il demeure une certaine simplicité et un mélange de retrouvailles / mélancolie à aller l’entendre se pencher sur sa malle à souvenirs, avec une distance nouvelle. Et si l’ensemble est sans doute un peu trop propre pour être totalement honnête, il n’en demeure pas moins que modern guilt est ce genre d’album qu’on écoute et réécoute avec plaisir, quand bien même on se rend compte qu’on passait du Beck pour le warm up d’avant soirée estudiantine, avant, qu’on le met pour accompagner un repas arrosé au Saint Emilion quelques quinze années plus tard. The times they are a changing, comme disait l’autre ».
Denis Verloes
Tracklist
01. Orphans
02. Gamma Ray
03. Chemtrails
04. Modern Guilt
05. Youthless
06. Walls
07. Replica
08. Soul Of A Man
09. Profanity Prayers
10. Volcano
Date de sortie: 7 juillet 2008
Label: XL recordings / Beggars / Naîve
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