Que les choses soient claires, pour des raisons de mystique personnelle autant que par qualité musicale intrinsèque, on est fan de Françoiz Breut. La dame est semble-t-il toujours installée à Bruxelles, et demeure jusqu’à nouvel ordre ex-compagne de Dominique A (ça doit la saouler à force, d’entendre cette définition, mais en même temps c’est aussi le seul artiste à qui on aurait envie de comparer sa formule musicale générale). Ceci explique pourquoi on ne trouvera ici qu’un concert de louanges, qu’on espère tout au moins suffisamment justifiées par la chronique de son nouvel album.
Cela fait trois albums, qu’à chaque fois on en achève l’écoute avec une première impression qui n’est en rien musicale. Vache ! Ce que cette Françoiz Breut écrit bien, est-on à chaque fois surpris de penser. A l’instar de son ex mari, mais avec un univers (féminin ?) beaucoup plus abordable, et en cela justement résonnant, elle nous déroule des petites histoires presque quotidiennes auxquelles on s’identifie rapidement. Il y est, cette fois, très souvent question d’amour. Celui qu’on vit, celui qu’on a perdu, celui qu’on regrette, ou celui qu’on assume pas d’avoir embrassé. Celui aussi qu’on file au long d’une canette en forme de métaphore textile. On aime la manière dont, avec un matériau qui ailleurs donne les pires scies de Pascal Obispo, elle parvient à créer des petits morceaux de poésies en prose.
Elle joue avec des mots indociles et on remarque, en ancien étudiant de lettres, la qualité et la recherche de vocabulaire de chacun de ses petits morceaux de quotidien. On constate l’apparente facilité avec laquelle ses titres n’en deviennent pas pour autant des mélodies pour intellos bobos discutant philosophie dans un cénacle St Gillois ou du XIe arrondissement de Paris. Non. Les titres de Françoiz Breut restent profondément vivants, touchant. » Sous ton meilleur jour tu sais si bien parler d’amour, je dévore toutes tes paroles. Tes mots que je pense si juste. Rien de trop toujours précis. Me balisent et me fascinent. Des heures je pourrais m’amuser, à lire sur tes lèvres tous ces bons mots. Et moi avec mes pensées légères contre tes certitudes savantes, pour les accompagner je suis ici à t.’écouter cachant mes doutes et mes envies au lieu de m’en débarrasser « » nous chante-elle sur A l’aveuglette. Et nous d’avoir envie d’utiliser ses paroles pour évoquer notre ressenti à l’égard de son album homonyme. Une réussite de l’écriture. A l’évidence. Qui touche. A n’en pas douter.
Musicalement, tout qui a déjà entendu ses deux premiers essais ne sera pas dépaysé. A l’aveuglette est comme un condensé des ambiances de son 3e une saison volée et du pop/rock qui faisait les beaux moments de 20 à 30 00 jours. On passe du blues des plaines (précédemment soutenu par sa collaboration avec Joe Burns et John Convertino de Calexico) à la langueur monotone du Simple man de Hal Hartley trouvant ici son expression musicale. On passe des clochettes et autres tintements entendus de Amiina à Mygük, ou plus trivialement de Dominique A à Giant Sand: avec un enregistrement de guitare un peu « lo-fi » qui accroît la tension générale de l’ensemble et porte les textes à l’emphase, sans les figer dans une tour d’ivoire. On savoure. Même si on constate que seuls à l’aveuglette et de fil en aiguille seront à priori capables d’offrir aux radios des singles diffusables et accrocheur.
Parce que, un peu à l’instar de son second essai, Françoiz Breut cherche d’abord à accrocher l’atmosphère avant le gimmick, une certaine torpeur avant le single radio jovial pour les beaux dimanche » Sacré Français » sur Pure FM.be. Elle avive, sans s’y complaire, une douce mélancolie, comme cette couette où on se cache les jours de mélancolie, de doute ou de regret.
A l’aveuglette touche. Autant parce qu’on s’identifie à ces amantes regrettant les doux instants, les erreurs de choix ou les départs dans la douleur. Tout qui a vécu un jour un amour qui s’effiloche, une relation qui prend l’eau ou qui a eu à morfler d’une erreur de choix dans laquelle il s’est investi ne peut que se sentir des sympathies pour les histoires écrites puis chantées par Françoiz Breut. Et subtilement A l’aveuglette s’impose comme une des toutes belles réussites francophones de 2008.
Denis Verloes
Tracklist
01. La conciergerie
02. Terre d’ombre
03. Les jeunes pousses
04. Mouchoir de poche
05. Dunkerque
06. Golo
07. Nébuleux bonhomme
08. A l’aveuglette
09. L’étincelle ou la contrainte du feu
10. De fil en aiguille (ouvrage de dames)
11. 2013
12. Herr Rolf
13. Mots croisés
14. L’automne avant l’heure
Date de sortie : 03 novembre 2008
Label : T-Rec
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