Il est des écrivains qui, creusant toujours le même sillon littéraire, arrivent cependant à nous émouvoir à chaque nouveau roman, de manière intacte, et avec un plaisir renouvelé : Eric Holder en fait partie. Ses anecdotes savoureuses et poétiques sont ses atouts, elles étincellent à nouveau dans »De loin on dirait une île » qui dresse le portrait d’un personnage atypique et complexe : le Médoc.
Terre girondine coincée entre l’océan furibard et de grandes étendues viticoles monotones, parsemé de châteaux magnifiques et de bourgs délaissés ou glauques, entre la pointe sauvage de Soulac au Nord et l’agglomération bordelaise au Sud, ce Médoc est devenu le nouveau décorum de l’écrivain nordiste, puisqu’il était également le sujet principal de la Baîne, son précédent livre. Plus que les paysages, ce sont les autochtones qui intéressent fortement notre Holder, tel le parisien décidé à conquérir une terre inconnue, bravant la méfiance et les coutumes peu hospitalières des habitants. Par d’infimes détails plus ou moins drôles, il décortique son installation en terre médoquine, ses rencontres brèves ou ratées avec des » locaux » dans des rades de patelins paumés ou lors de vendanges dans des domaines superbes.
Hors saison, » l’étranger » n’est pas admis : il n’est pas touriste, il ne rapporte rien. Donc il n’a rien à faire ici. De cet adage, Eric Holder n’en a cure : et en bon Don Quichotte d’Aquitaine, il pourfend les clichés, déclare sa flamme aux dames qui n’ont pas d’oreilles, et voue à cet endroit magnifique (je le connais, j’y ai vécu, ce qui apporte un supplément de curiosité savoureuse) une passion mesurée, mais poétique et tendre.
l’ultime défi de l’auteur, bien décidé à finir ses jours en Médoc : conquérir cet endroit hostile, en faire son paradis terrestre, ou tout du moins une magnifique maison de repos, avec des habitants farouches mais entiers, avec des dunes, des landes, des pinèdes, des lacs et l’Atlantique qui rugit, tout du long »et ce bloc de notes de s’achever sur de la mélancolie, avec les secrets et les tourments que recèlent chaque être et chaque lieu, et ceux qui animent l’auteur, en petit vainqueur d’un défi anodin. Mais qui fait du bien.
Jean-François Lahorgue
De Loin, on dirait une île, de Eric Holder
Le Dilettante, 190 pages, 16 €¬
Date de parution : septembre 2008