L’heure est aux autobiographies : mise en abyme cinématographique chez Agnès Varda avec ses Plages, Chefdeville qui résume les deux années de sa vie qui viennent de s’achever dans son Atelier d’écriture, et maintenant Burnside, peut-être le plus grand écrivain écossais en activité, qui parle enfin de lui et de ses parents.
Roman d’enfance à la Dickens, suspense psychologique aiguisé, mélodrame et épilogue avec dénouement romanesque : tous les ingrédients de la parfaite fiction sont ici réunis. Mais, dès les premières lignes, Burnside se livre, sans retenue, même si la pudeur d’usage est là . Il évoque ses relations familiales, avec les secrets, les tournants et les destinées qui sont liées.
Le point de départ de l’évocation de sa vie est pourtant très actuel : c’est un blocage de Burnside quand un auto-stoppeur, qu’il a pris dans sa voiture, lui pose des questions sur sa famille et son père. Il ment. Il ment comme a menti son père durant toute sa vie, en s’inventant une enfance classique alors qu’il fut un enfant trouvé au pas d’une porte. Une origine inconnue qui donnera son empreinte indélébile à un homme qui jouera toute sa vie à être ce qu’il n’est pas. Et à le dissimuler à tous les siens.
En retraçant son existence à vouloir ressembler à son paternel, mais aussi à chercher à s’en éloigner, jusqu’à la haine (et de fait la haine de soi-même), Burnside ose sa propre auto-flagellation, en n’approuvant pas le fait d’en vouloir à un homme qui a toujours caché sa honte de ne pas être né comme tout le monde. Aimer, détester, pardonner, regretter : la filiation qui existe entre l’auteur et son père demeure à la fois habituelle dans son fond, mais unique dans la forme décrite dans ce magnifique roman, parfois agrémenté de longueurs dispensables, mais qui reste extrêmement bien écrit, avec une précision et une distanciation superbes. Aucun pathos chez Burnside, alors que le genre même de ce livre pourrait le faire sombrer dans ce travers. Même dans les moments épiques où l’auteur évoque l’alcoolisme de son père, les violences conjugales, la mort de sa mère, ses fugues et désirs de meurtre d’adolescent rebelle, le ton du livre sonne juste, sobre, exemplaire. Et l’émotion n’en ressort que plus réelle, et donc plus belle.
C’est simplement juste et bouleversant. Un de très beaux romans de ce début d’année.
Jean-François Lahorgue
Un mensonge sur mon père, de John Burnside
Editions Métailié, 350 pages, 20 €¬
Date de parution : janvier 2009.