A côté : Stéphane Mercurio a résolument choisi de s’y placer, tout en prouvant, curieux paradoxe, qu’elle est complètement dans son sujet. Sujet ô combien délicat, épineux, voire jamais abordé sur grand écran, : celui des familles de prisonniers, plus précisément la vie de femmes, mères ou épouses, dont les fils et maris sont incarcérés, une situation qui régit le cours de leur vie ponctuée des visites plus ou moins espacées au parloir.
Documentaire essentiellement constitué d’entretiens au sein d’une petite maison où l’association Ti-Tomm, accolée au mur de la prison des hommes, reçoit et fait patienter les parentes des prisonniers, A côté opte donc pour un unique point de vue, en ne pénétrant jamais dans l’enceinte de la prison, en ne recueillant aucune parole d’homme dont les motifs d’incarcération ne sont même pas exposés. Ici, c’est la vie de ces femmes courageuses et aimantes jusqu’au sacrifice, qui intéresse Stéphane Mercurio, directrice de la photographie, réalisatrice et scénariste.
Ce qui ressort des témoignages d’où le misérabilisme et l’apitoiement sont bannis, c’est en effet la dignité et l’abnégation de femmes, jeunes ou vieilles, qui ont dorénavant organisé leur existence autour de l’absent, celui qui se trouve derrière les barreaux. Elles révèlent ainsi le dysfonctionnement de l’administration pénitentiaire, : aucune information sur les transferts, des parloirs annulés au dernier moment, refus de donner des nouvelles du mari ou du fils hospitalisé, renvoi des livres ou des colis de Noël expédiés pour des motifs futiles et absurdes. Si on sait depuis bien longtemps qu’aucune volonté de réhabilitation et de réinsertion ne prévaut dans les prisons, on prend ici conscience des dommages collatéraux infligés à des êtres doublement victimes, à leurs propres yeux comme au regard de la société qui les ostracise.
Que ce soit depuis quelques semaines ou depuis plus de trente années, toutes ces femmes sont animées d’une même énergie et d’un espoir identique qui les amènent à se faire belles, se maquiller, préparer avec amour les affaires du prisonnier. Des rendez-vous cruciaux pour ceux-ci à qui il faut remonter le moral, donner des nouvelles de l’extérieur.
La salle d’attente, tenue et gérée par des bénévoles, devient ainsi un lieu d’échanges où se déversent colères et coups de blues, où se prodiguent conseils et encouragements, en dessinant entre ces femmes à la fois fortes et fragiles, oscillant du rire libérateur aux larmes impossibles à retenir, une franche et réconfortante solidarité.
Stéphane Mercurio a eu de plus l’excellente idée d’entrecouper les scènes à la maison d’accueil d’intermèdes constitués de photographies mises bout à bout, habillés de dialogues et de sons divers. Outre la beauté et la force de ces images, elles témoignent étrangement du passage du temps et résument sans artifice ni redondance des étapes de la vie de ces femmes.
C’est un documentaire salutaire, avec beaucoup de justesse et de pudeur, qui se place du côté de l’humain en évitant tout débordement d’émotion. Pourtant, les histoires qu’il relate sont tragiques et provoquent des blessures et des cassures chez des familles isolées et déconsidérées dont on voit mal comment elles pourront être réparées, cicatrisées.
Patrick Braganti
A côté
Film français de Stéphane Mercurio
Genre : Documentaire
Durée : 1h32
Sortie : 29 Octobre 2008
La bande-annonce :