En attendant 14 Kilomètres et Welcome dans les semaines à venir, Eden à l’Ouest, le nouveau film de Costa-Gavras se penche à sa façon sur les questions de l’immigration et de la clandestinité à travers l’itinéraire d’Elias, d’un bateau de réfugiés en mer Egée jusqu’à Paris, destination finale et fantasmée. Si le genre road-movie demeure associé au sujet, c’est ici l’angle d’attaque et le point de vue du réalisateur de L’Aveu qui rompent avec le traitement attendu, en créant une certaine surprise et le plaisir qui l’accompagne.
D’abord, Costa-Gavras n’attache pas son héros à une patrie précise et choisit donc d’en faire un étendard, un symbole de tous les exilés. Pour crédibiliser cette option, les paroles d’Elias sont rares et prononcées dans différentes langues, pas toujours identifiables. Ensuite, le réalisateur fait du jeune clandestin on objet de désir à l’attitude à la fois candide et intelligente, en le plaçant dans des situations rocambolesques, dont la légèreté apparente révèle pourtant en creux les tares de la société occidentale. Cela démarre très fort lorsqu’Elias, pour échapper à la police, échoue dans un club de vacances luxueux. Dans cet endroit surprotégé d’où Elias ne parvient pas à s’échapper, la menace des clandestins amène les riches estivants à organiser des raids nocturnes afin de démasquer les éléments perturbateurs. Le trait est certes caricatural, mais courtisé aussi bien par un animateur que par une touriste allemande, Elias comprend vite quels sont ses atouts et les convoitises de ces curieux européens.
Durant son long périple, Elias tombe sur des personnes sympathiques et hautes en couleurs, : deux camionneurs gays, un couple bourgeois en pleine scène de ménage. Mais aussi des employeurs (français, !!!) malveillants, recrutant à la sauvette des sans-papiers pour des jobs dégradants et sous-payés. Il semble d’ailleurs que la remontée vers le Nord soit synonyme de désillusions, d’arnaques et de comportements de plus en plus méfiants. Mine de rien, Costa-Gavras a la dent dure et sait mettre l’accent sur les travers de nos sociétés d’opulence, que des corps rejetés sur une plage méditerranéenne ou des tentes sur les trottoirs d’une capitale ne perturbent guère.
Elias perd au fur et à mesure sa naîveté et sa candeur et gagne en débrouillardise et en ressources. Eden à l’Ouest, s’il évite tout misérabilisme, ne sombre pas pour autant dans l’angélisme. La fable en forme de parabole n’est donc pas déconnectée de la réalité et ne débouche pas sur une issue prévisible de conte de fées. Enfin le charme opère aussi grâce à celui de l’acteur italien Riccardo Sciamarcio, qui campe un clandestin résolument honnête, découvrant avec effarement et stupeur les drôles de codes occidentaux. La trajectoire d’Elias, c’est aussi l’adaptation à un monde hostile et inconnu, à travers des étapes qui mélangent avec jubilation le burlesque et le tragique.
Patrick Braganti
Eden à l’Ouest
Film français de Costa-Gavras
Genre : Drame
Durée : 1h50
Sortie : 11 Février 2009