Comme il existe le rire gras, il y a aussi un cinéma gras, suscitant ou mettant en scène le même type de ricanements. Au diable Staline, vive les mariés, ! parvient en l’espace d’à peine quatre-vingt dix minutes à concentrer la pire des vulgarités et une accumulation ad nauseam de clichés et de poncifs, passant du coup complètement à côté de son sujet. Soit, dans un petit village roumain en 1953, la débrouillardise et l’imagination des habitants pour célébrer le mariage de Ana et Iancu subitement interdit par les autorités suite à la mort de Staline, comme le sont aussi les matches de foot, les enterrements et toute fête. La reconstitution folklorique de l’épisode est entourée par deux parenthèses prenant place de nos jours, montrant d’une part un territoire dévasté et abandonné, laissé aux mains de vieilles femmes en deuil et d’autre part les événements qui ont conduit à cette situation.
Dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle ne prête pas à rire. Mais Horatiu Malaele, homme de théâtre qui s’essaie ici au septième art, préfère mettre en avant le tempérament débonnaire, cocasse, irrévérencieux et ingénieux d’une poignée d’habitants sans jamais mettre en perspective le contexte historique, les relations de la Roumanie avec le grand frère soviétique. Malaele généralise un peu hâtivement en nous laissant croire que les Roumains étaient tous d’irréductibles adversaires du régime stalinien. Prenant ses distances avec une certaine véracité historique, Malaele campe donc le portrait lourd et grand-guignolesque d’une bande de gueulards, d’ivrognes lubriques dans une cacophonie rabelaisienne en droite ligne des films de Kusturica. Quand le silence se fait par obligation, c’est lors de la scène pivot, celle du repas de noce que les villageois n’ont pas l’intention d’annuler, quoi qu’il puisse leur en coûter. Malgré quelques trouvailles pour éviter le moindre bruit, on arrive vite à l’épuisement de celles-ci d’autant plus qu’il ne fait guère de doutes sur l’issue de ce mutisme imposé. Enfin, le goût évident du réalisateur pour la nostalgie amène à un traitement sans nuances de l’époque actuelle – une équipe de journalistes particulièrement stupides – et des années 50, lesquelles sont serties de couleurs exagérément acidulées, dans un décor champêtre féérique et irréel.
Au final, c’est bien le mélange des genres qui ne fonctionne pas dans Au diable Staline, vive les mariés, ! Le recours à la fable et à la parabole, par ailleurs non maîtrisé, éloigne trop la réalité et les faits. Nous sommes donc bien loin des excellentes surprises que nous a offertes le cinéma roumain ces dernières années.
Patrick Braganti
Au diable Staline, vive les mariés !
Film roumain de Horatiu Malaele
Genre : Comédie
Durée : 1h27
Sortie : 18 Février 2009
Avec Alexandru Potocean, Meda Andrea Victor, Luminita Gherghiu
La bande-annonce :
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