En découvrant Welcome, la question récurrente de ce que chacun va chercher et espère trouver au cinéma ne manque pas une fois encore d’affleurer et avec elle des perspectives de débats qui ne peuvent mettre personne d’accord, par définition. D’un côté, ceux qui attendent qu’on leur parle du monde – comment il va, et en l’occurrence comment il ne va surtout plus – trouveront du grain à moudre avec le dernier film de Philippe Lioret, même si peut être soulevée aussi une autre interrogation corollaire, : faut-il en passer par un tel prisme pour prendre conscience d’une réalité, ? De l’autre, ceux qui recherchent plaisir esthétique et intellectuel – mais les deux catégories sont poreuses entre elles – risquent fort de voir en Welcome un convenable (télé)film dont le défaut majeur réside bien en un mélange des genres inadapté, presque faux-cul, en tout cas fonctionnant sur le principe du prétexte ou de la bonne excuse, réduisant du coup la portée de son sujet.
Le sujet, c’est l’entassement des réfugiés clandestins venus des pays de l’Est aux environs du port de Calais en quête de solutions pour traverser la Manche et rejoindre la Grande-Bretagne. Bilal, un jeune kurde de dix-sept ans, a le même objectif mais, encore plus motivé car de l’autre côté de la mer l’attend sa copine, il est prêt à envisager toutes les options pour arriver à ses fins. Peut-être y aller à la nage, ce qui est à l’origine de sa rencontre avec Simon, un maître-nageur désemparé, en plein divorce et peu ouvert aux problèmes des autres.
La trame de Welcome repose essentiellement sur la rencontre entre Bilal et Simon, donc la juxtaposition de deux mondes et de deux trajectoires. Dès lors, il ne faut pas être grand sorcier pour imaginer vers quoi on va se diriger, tout comme il y a quelques semaines Gran Torino nous décevait par sa prévisibilité lourdaude. Certes, l’enjeu est ici plus politique et dépasse largement les protagonistes. Philippe Lioret, dans le premier quart de Welcome, réussit pleinement à rendre compte de la situation précaire des réfugiés et notamment de l’économie souterraine aux mains des passeurs, grâce à un traitement quasi documentaire, sans effet spectaculaire, qui réussit parfaitement à saisir la tension et l’urgence qui imprègnent et régissent ces relations mercantiles.
L’arrivée du personnage de Simon – Vincent Lindon n’est pas en cause, au contraire il livre là une composition toute en retenue et en tristesse intériorisée – gâte hélas le film, en surajoutant des tracas de vie privée, comme si le sujet principal ne suffisait pas. Outre que cette déviation aplanit les intentions de Welcome, elle porte en elle une suspicion qui finit par poser un réel problème, : doit-on être soi-même en galère pour entrevoir celle des autres, et pire comment se sert-on de la détresse d’un autre pour en faire un outil de reconquête de son ancienne femme, ? On ne peut certes pas reprocher à Philippe Lioret de construire une histoire trop angélique et à cet égard, l’évolution de Simon est traitée avec finesse et délicatesse, ses étapes de réflexion sont perceptibles à l’écran. L’ennui, c’est que Simon prend en cours de route la place principale dans Welcome, édulcorant par là -même celle de Bilal – Firat Ayverdi est une découverte plus que convaincante. On éprouve donc un désintérêt croissant qu’une issue à la fois bien tenue – aucune autre ne semble en effet envisageable – mais filmée de manière trop grandiloquente permet néanmoins d’effacer.
Alors oui, on veut bien être indulgent sur la forme convenue et la patte d’Olivier Adam se fait ici peu sentir, hormis à travers une relation de transfert père-fils et quelques belles scènes sur les plages de Calais dans la belle lumière de la Manche. Et croire en conséquence à l’impact de Welcome sur ses spectateurs dont on prie qu’il puisse permettre de réfléchir à la politique d’immigration actuellement menée dans notre pays et d’améliorer les conditions inacceptables, parce que bafouant les droits les plus élémentaires, que des milliers de réfugiés endurent.
Patrick Braganti
Welcome
Film français de Philippe Lioret
Genre : Drame
Durée : 1h50
Sortie : 11 Mars 2009
Avec Vincent Lindon, Firat Ayverdi, Audrey Dana
La bande-annonce :