Le plus rageant avec un film comme Loin de la terre brûlée, c’est son pouvoir de séduction, provenant de son habile construction qui réclame une attention soutenue sous peine de rater un des éléments du puzzle et de la débauche de bons sentiments qui le noient. Le genre choral, auquel appartient donc le premier long-métrage de Guillermo Arriaga, se répand de plus en plus dans le cinéma américain – en France, on peut considérer que Claude Lelouch en est le représentant le plus symptomatique, mais ses intentions plutôt naîves et bon enfant n’ont jamais été aussi lourdes de sens. Celui qui est passé maître dans la réalisation de films en morceaux est mexicain et s’appelle Alejandro Gonzάlez Inάrritu. Sa filmographie répétitive dans la forme déçoit toujours plus, : Babel en 2006 fut une catastrophe. On allait donc à reculons découvrir Loin de la terre brûlée, son réalisateur novice, par ailleurs écrivain, étant aussi le scénariste attitré de Inάrritu.
Pour respecter la règle inhérente au genre, il convient de peu en dire sur les ramifications nombreuses des intrigues, déployées aussi bien au niveau temporel que géographique. Tout juste dira-t-on que les figures majeures de Loin de la terre brûlée sont féminines, : une femme adultère, une autre plus jeune volage, paraissant sans attaches. On ajoutera qu’il y est aussi question de cicatrices au sens propre, comme autant de marques subies ou infligées en charge d’exprimer une douleur, réelle ou fabriquée. Le motif de la répétition dans l’espace et le temps traverse aussi le film dont l’attrait majeur réside en la découverte des liens qui unissent des personnages à priori disparates. Pas grand-chose de bien nouveau dans la localisation à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, ni dans le recours aux thèmes déjà rebattus du deuil, de la perte, de la fuite. Une fois l’architecture révélée, l’intérêt s’émousse franchement tant le happy end semble consubstantiel à ce type de scénarios.
D’ailleurs, Loin de la tête brûlée vaut sans doute pour ses seules qualités d’écriture, très proche de celle employée pour les séries télé. Quant à la mise en scène, elle se résume à un art consommé du montage qui n’évite pas néanmoins certaines lourdeurs explicatives. Le plaisir pris provient avant tout de la qualité d’interprétation des comédiennes, chacune dans un registre différent, et de l’espèce d’excitation intellectuelle qui anime le spectateur joueur, tentant d’anticiper les connexions à venir – ce qui, au demeurant, s’avère plus aisé que prévu. Loin de la terre brûlée fait confiance à la force de ses personnages, à leur parcours rocambolesque saisi par une caméra compassionnelle et volontariste, tout en se préoccupant peu de transformer le tout en une proposition de cinéma. Agréable mais pas indispensable.
Patrick Braganti
Loin de la terre brûlée
Film américain de Guillermo Arriaga
Genre : Drame
Durée : 1h48
Sortie : 11 Mars 2009
Avec Kim Basinger, Charlize Theron, Jennifer Lawrence
La bande-annonce :