Contrairement à Nanni Moretti, véritable humoriste-philosophe italien, Gianni Di Gregorio, sous prétexte qu’il est à toutes les commandes de cette comédie (réalisation, écriture, acteur), nous a fait croire au renouveau de la grande comédie italienne. Que nenni! Le Déjeuner du 15 août est l’une des plus grosses arnaques du moment ; à savoir un pitch éventuellement sympathique transformé en thématique : les Seniors d’aujourd’hui, d’où ne ressort ni humour, ni émotion, ni même le moindre petit attachement.
Les soixante-quinze minutes du film n’en paraissent que quarante pauvres tellement il n’y a rien ici, pas même une page de scénario, un dialogue piquant ou une simple idée de mise en scène. Quarante minutes toutefois insupportablement ennuyeuses puisqu’il ne se passe strictement rien. A ceux qui disent de ce film qu’il est » une leçon sur l’art de réussir un long-métrage avec un budget ridicule » je répondrai qu’il s’agit d’une leçon exemplaire sur l’art de faire croire aux gens la renaissance d’un genre, ou plutôt, pour retourner la phrase initiale, sur l’art de » réussir un budget avec un long-métrage ridicule « . En partant de rien, le film aboutit à rien, et Gianni Di Gregorio (par ailleurs scénariste de Gomorra, on a peine à le croire), personnalité comique assez peu connue en France, se remplit les poches, le sourire grand comme un quartier de pastèque. Un coup de maître, ça s’appelle…
Jean-Baptiste Doulcet
Le Déjeuner du 15 août
Film italien de Gianni Di Gregorio
Genre : Comédie
Durée : 1h15
Sortie : 11 Mars 2009
Avec Gianni Di Gregorio, Valeria De Franciscis, Marina Cacciotti
La bande-annonce :
« Gianni Di Gregorio, sous prétexte qu’il est à toutes les commandes de cette comédie (réalisation, écriture, acteur), nous a fait croire au renouveau de la grande comédie italienne »
Voilà bien un contresens, car la grande comédie à l’italienne était le contraire du fameux ‘cinéma d’auteur’ : une recette éprouvée (mais aux variations presque infinies), des réalisateurs spécialisés (Monicelli, Risi, Loy, etc) des équipes de scénaristes professionnels (Age-Scarpelli, Maccari-Scola, Benvenuti-De Bernardi), des rôles écrits en pensant dès le départ à une star bien précise (Gassman, Manfredi, Sordi ou Tognazzi), un solide budget (fourni par Ponti, De Laurentiis, Cristaldi ou Cecchi Gori), et pire encore : le souci de ne pas être ennuyeux. « Il y a les films d’auteur et les films d’équipe. Nous, nous faisons des films d’équipe », disait Dino Risi, un des grands maîtres du genre. Quand ils explosent sur les écrans au début des années soixante – une date non seulement dans l’histoire du cinéma, mais dans l’histoire de la satire – ces films ‘commerciaux’, ces films d’industrie, ces farces de choc qui défonçaient le box-office italien et damaient le pion à Hollywood étaient profondément méprisés – et très souvent ignorés – par les critiques et les intellectuels, qui ne se sont mis à leur tresser des couronnes qu’après leur mort. « Personne ne vit rien, comme d’habitude », précisent Fruttero & Lucentini dans La Prédominance du crétin. Ainsi ‘L’armata Brancaleone’, chef-d’oeuvre de la farce, fut unanimement hué lors de sa présentation en 1966 à Cannes (mais qui donc avait eu l’idée saugrenue de présenter ça à Cannes !?)…
Mais bonne nouvelle : la comédie à l’italienne n’a pas attendu monsieur Di Gregorio pour renaître de ses cendres. Ça fait dix ans maintenant que roulent notamment Paolo Virzi (‘Ovosodo’ 1999, ‘Baci e abbracci’ 2001, ‘Caterina va en ville’ 2004′, ‘Tutta la vita davanti’ 2009) Paolo Genovese et Luca Miniero (‘Incantesimo napoletano’ 2003, ‘Nessun messaggio in segretaria’ 2006)… Mais bien sûr aucun de ces films n’a été importé en France. Comme dans le bon vieux temps, quoi !