Récits de destins brisés, Une famille brésilienne dépeint, comme son titre nous le laisse supposer, chaque personnage d’une cellule familiale pour le moins particulière, : quatre fils en quête d’identité et d’avenir, chacun d’un père différent et apparemment inconnu, et avec lesquels la mère, de nouveau enceinte, se débat pour leur apporter de l’amour et du temps.
Voilà qui aurait pu être une mauvaise soupe mélodramatique et misérabiliste, pourtant il n’en est rien. Walter Salles et Daniela Thomas sont plus fins que ça ; ils font de chacune de ces histoires un film à part, l’un sur un fils qui échoue à devenir footballeur, l’autre sur l’aîné qui tombe dans la petite criminalité, un autre sur le plus jeune à la recherche de son père, le quatrième sur le jeune fils croyant et porté par la grâce de Dieu, son refuge, et enfin un dernier film sur la figure maternelle, dépassée par les évènements et l’encombrement, la pauvreté et la culpabilité de ne pas offrir à ses enfants un vrai père, rôle qu’elle tente parallèlement de jouer. L’ouverture que permettent ces cinq objectifs a pour objet d’effacer toute linéarité dramatique et toute empreinte commune dans l’alternance de chaque figure, en décrivant le quotidien de chaque personnage comme un chapitre à part, qui finit par s’agréger aux autres.
La structure du film a tout d’un film choral, la mise en scène reste identique pour chaque personnage, et tout est clair et limpide, les cinq personnages formant un cycle scénaristique tout à fait défini. Mais le regard porté sur chacun a une force différente, de par les diverses thématiques qu’il porte ; le monde du sport – véritable religion au Brésil – , la délinquance, l’exploitation, la croyance et, autour de chacun, l’identité et le bonheur. C’est cette diversité de cinéma qui fait la richesse de cette famille pas comme les autres. Les réalisateurs apportent un peu d’espoir en filmant cette cavale contre un avenir fatal de manière bouillante, volcanique, dans un corps à corps essoufflant et solaire. Le récit a parfois tendance à se répéter quand l’issue au cours des histoires ne paraît pas évidente, mais la réalité sociale que cette belle oeuvre dévoile est, sans nouveauté ni surprise, une réalité importante et que l’on se doit d’avoir en conscience.
Dommage que la finesse de la réalisation-reportage (toutefois très personnelle) s’encombre de quelques accidents de goût (la scène de drogue), ou que la solidité du montage favorise l’étude identitaire de la jeunesse alors que le personnage de la mère (Sandra Corveloni, touchante mais loin de la composition de Martina Gusman dans Leonera qui, on le redit, méritait le prix d’interprétation féminine!) aurait approfondi la nature des relations mère/fils et rendu palpable ce combat au féminin, dans un monde de brutes masculines et insouciantes. Sa présence secondaire rend parfois vide l’ensemble, auquel il manque sans aucun doute la fondation du récit qu’est cette figure féminine massive et singulière, le moteur de ces histoires parallèles et le coeur emblématique d’un film vivant, brûlant, éreintant.
Jean-Baptiste Doulcet
Une famille brésilienne
Film brésilien de Walter Salles et Daniela Thomas
Genre : Drame
Durée : 1h53
Sortie : 18 Mars 2009
Avec Sandra Corveloni, Joao Baldasserini, José Geraldo Rodrigues
La bande-annonce :