La dernière fois que j’ai croisé le dessin d’Aurélia Aurita, je ne l’avais pas suivie dans toutes les positions sexuelles possibles et imaginables qu’elle envisageait avec son amant passionné, dessinateur Français exilé au Japon. Imagerie de l’amour physique sans chichi et évocation certaine d’une libéralisation du discours féminin sur le sujet.
Je n’avais pas même une seconde envié les concombres et autres légumes que le couple avait pour compagnon de jeu, tant je comprenais mal ce que je pouvais attendre de ce type d’évocation au fil d’une BD au dessin plus proche de Sfar ou Dupuy/Berberian que de Manara. Par contre, je m’arrêtais sur les pistes, trop rapidement éludées, du choc des cultures appliquées à la vie quotidienne. Des pistes qui prenaient l’apparence d’un voisin salaryman et excédé par les ébats des amoureux.
Des coquineries du précédent opus Aurita ne garde ici qu’une photographie en troisième de couverture. Et c’est tant mieux. On s’attendait au pire. Il ne vient pas. Aurélia Aurita décide d’utiliser la même trame » Chenda aime Frédéric, mais Frédéric habite au Japon, dommage » pour mettre en image en crayonné simple, noir et blanc, découpé en cases un choc des cultures aberrant quand il s’agit simplement à deux amoureux de pouvoir se retrouver quelques temps au pays du soleil levant.
Le salaryman du précédent opus est transposé ici dans une administration aéroportuaire Kafkaîenne, bornée, flippée par les attentats et en filigrane xénophobe. Chenda se voit refuser le droit d’entrer sur le territoire pour la période initialement envisagée. Chenda a la chiasse. Chenda aime. Et moi de suivre ses aventures avec plus d’intérêt. Pas encore une révélation non, mais un plaisir franchement plus grand.
En fait, il ne manque pas grand-chose au dessein d’Aurélia Aurita pour que son dessin se mue en quelque version féminine de Monsieur Jean. Moins aseptisé, plus cru, peut-être plus réel aussi, y instillant quelque chose d’Agrippine. Peut-être un passage de l’auto-fiction à la française (aussi perceptible en roman) à une oeuvre plus scénarisée.
Facilement Chenda pourrait être une illustration de la femme (-enfant) du 21e siècle. Dotée de raison, d’intelligence, d’un vagin qu’elle ne nomme plus forcément chatte que dans l’intimité, capable de plaisir et d’envie, capable d’amour et moins stéréotypée que les visions rapportées d’un côté par les housewives désespérées et de l’autre par les conseils séduction des magazines féminins. Le genre de BD qui ferait flipper les hommes, mélange de fantasme et de peur de déplaire »
En attendant, on note avec joie l’évolution sémantique , on plaint le calvaire de Chenda et on se dit que ce sont parfois de petites BD comme ça, qui peuvent illustrer d’abord et changer ensuite la vision sécuritaire des votants flippés d’un pays craintif. On se rappelle que Montesquieu jadis faisait visiter Paris à des Persans, tandis qu’ Aurélia Aurita envoie aujourd’hui une Française aux portes du Japon. Aurita n’est pas Montesquieu. Loin de là . Mais qui sait, un jour ».
Denis Verloes
Bande dessinée
Collection For intérieur
Les Impressions Nouvelles
14,8 x 21 cm
80 pages
ISBN : 978-2-87449-055-2
12€¬
Sortie le 17 octobre 2008
Plus+
La chronique du premier album
La chronique du second album
Le site officiel