Il faudrait séparer de la manière la plus objective qui soit la nécessité de voir Nous resterons sur Terre, le besoin que l’on a d’être choqué par des images si édifiantes du monde et son évidente sincérité, de sa médiocrité patente. C’est chose faite. Il faut bien sûr admettre, car il n’en est pas autrement, qu’il y a derrière ce clip écolo une conviction colossale et un effort considérable ; images splendides (avec abus de travellings) tournées aux quatre coins du globe terrestre, des centaines d’heures de montage au rendez-vous… On ne remet pas en cause la genèse de ce projet convaincant quand il s’agit de nous affoler et de nous faire prendre conscience de ce qui ne va plus (à ce sujet, la séquence du découpage des cochons en usine paraît essentielle même s’il est dur de la regarder en face). Pierre Barougier et Olivier Bourgeois, certainement des professionnels dans le domaine de la photographie, cadrent à merveille chaque décor, chaque mouvement, quitte parfois à forcer sur l’accélération. Le travail sur les perspectives et les, effets de décuplement dans le cadre (milliers de pneus, de poules, de fleurs, de vaches), ainsi que les, choix judicieux des angles pour créer un effet optique remarquable sont l’essence même du graphisme élaboré de ce documentaire qui joue de la frontalité des images pour nous scotcher, nous montrer la mécanisation du monde par l’économie et le profit. Les images de ces travailleurs à la chaîne, filmés comme des prisonniers sans âmes, restent longtemps fixées en nous.
Malheureusement,, Nous resterons sur Terre loupe l’effet voulu ; la beauté choc des images se transforme en esthétisme. La question unique se pose alors ;, peut-on rendre plus belle la Nature qu’elle ne l’est déjà ? Si l’on comprend bien les intentions des cinéastes, qui veulent marquer à tout prix les spectateurs quitte à faire de leur travail de recherche un défilé de belles images, un catalogue de photos sur papier glacé, on se demande pourquoi avoir habillé la totalité du film d’une musique assourdissante. Une interrogation non résolue et qui rend la vision du film insupportable. En cherchant le rythme à travers l’agitation musicale, le documentaire s’expose à une mort annoncée puisque la durée des images ne dépasse guère les trois secondes. Chaque plan, aussi beau et travaillé soit-il, finit vraiment par apparaître comme la vignette d’un clip frénétique là où la prise de temps et le calme étaient nécessaire pour faire comprendre les choses pleinement. A cause de cette machine à sons et à lumières lancée à toute vitesse et aux effets contre-productifs, l’oeuvre ne fait pas long feu car les séquences au fort potentiel sont brutalement coupées (les singes n’apparaissent que dix secondes alors que la plénitude de la séquence annonce le miracle du cinéma) dans un montage sans dessus dessous, qui favorise l’hystérie et la dissipation – au sens turbulent du terme – pour mieux laisser à celui qui regarde un maximum de données à avaler.
Mais, à force de nous en mettre plein la figure, il ne reste plus rien du film. Et encore moins l’inutilité des commentaires de, Gorbatchev ou d’Edgar Morin, qui se résument en un » Jetez les déchets dans la poubelle, « . On aurait aimé une analyse plus réfléchie dans la parole que l’évocation évidente de ce que l’on sait déjà . La puérilité de ces dialogues pour CM2 évacue fatalement la seule puissance des images. Et la musique écrasant les interventions de ces philosophes et hommes – ou femmes – de paix, on n’entend plus personne parler pour le peu qu’ils ont à dire. Le mal de crâne triomphe de cette épuisante et bruyante odyssée de la Fin des Temps, aux allures de publicité pour assurance vie ou de pédagogie pour maternelles. Un séisme musical qui aura tout anéanti, même l’efficacité extraordinaire des cadrages de ces deux réalisateurs pourtant très concernés par ce qu’ils tendent à démontrer.
Jean-Baptiste Doulcet
Nous resterons sur Terre
Film français de Pierre Barougier et Olivier Bourgeois
Genre : Documentaire
Durée : 1h27
Sortie : 8 Avril 2009
La bande-annonce :