Rachel se marie, le nouveau film de Jonathan Demme, brouille les pistes dès l’annonce de son titre, : car, si l’intrigue se situe bien au moment des préparatifs de ses noces, Rachel n’en constitue pas le pivot central. C’est sa soeur cadette, Kym, à qui échoit ce rôle et ce n’est pas peu dire, au propre comme au figuré, que tout le film tourne autour d’elle. Au propre parce qu’elle est, en quelque sorte, le vilain petit canard de la famille, dont on fait juste la connaissance à sa sortie du centre de désintoxication où elle a séjourné pendant neuf mois. Au figuré, parce que le réalisateur de Dangereuse sous tous rapports use et abuse de la caméra portée à l’épaule, procurant à Rachel se marie un côté faussement amateur, que la semi-improvisation des dialogues et l’absence de répétitions contribuent à souligner. Le choix du filmage et la caractérisation souvent outrancière des personnages nuisent en partie au film, qui, au demeurant, n’est pas dépourvu de charme ni d’émotions.
Susciter l’émotion, voire tirer quelques larmes, reste cependant aisé quand on investit une cellule familiale, marquée par une tragédie ancienne (la mort d’un enfant) et la culpabilité qui en découle, principalement chez Kym, rongée par la perte de son petit frère. Bousillée par le remords et les drogues avalées pour le repousser, sinon l’oublier, Kym est le mal-être personnifié, : égocentrique, paranoîaque, capricieuse, elle est l’exact contraire de Rachel, une fille équilibrée et volontaire, prête à convoler avec Sydney, un garçon tout aussi formidable. Par petites touches, on découvre petit à petit les dégâts causés par le drame ancien, : séparation des parents des deux soeurs et éloignement de la mère, divergence de Rachel et Kym.
Plutôt que proposer un traitement resserré sur les membres déchirés et amochés de la famille, Jonathan Demme multiplie les personnages secondaires et les scènes de groupes, toujours très maîtrisées à la limite du virtuose, qui finissent par embrouiller et divertir le spectateur. La recherche de spontanéité voulue par le cinéaste s’appuie cependant sur un scénario béton. Le film est très écrit, ce sentiment culminant dans la longue scène du repas précédant les noces, où chacun y va de son toast aux futurs époux.
Il est donc regrettable que, plus d’une fois, Rachel se marie dévie de son axe principal pour des scènes, certes plaisantes, mais somme toute assez superficielles comme le pari organisé autour du lave-vaisselle. Et la dernière demi-heure, en dépit qu’elle cristallise toutes les tensions accumulées, souffre bizarrement d’une construction bancale, : les festivités du mariage à renforts de musiques et de danses sont bien agréables à suivre mais n’ajoutent rien au film.
Une famille décomposée où les blessures ne se cicatrisent pas, mais aussi tout un groupe réuni par son amour de la musique et son ouverture d’esprit (Rachel épouse un noir et l’assemblée est très cosmopolite) dans une belle maison bourgeoise, ça pourrait faire penser aux derniers longs-métrages d’Olivier Assayas et d’Arnaud Desplechin. Mais la comparaison tourne court, : on reste ici trop dans une certaine caricature avec des personnages surdéterminés et l’aspect très propret affadit le propos. Tout ceci pêche vraiment par excès, : de sens, de bons sentiments, d’images léchées. Le mieux reste l’ennemi du bien.
Patrick Braganti
Rachel se marie
Film américain de Jonathan Demme
Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h53
Sortie : 15 Avril 2009
Avec Anne Hathaway, Rosemarie DeWitt, Bill Irwin, Debra Winger
La bande-annonce :